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À TRAVERS LE SAINT-LAURENT

d’épouvantable. Il s’en formait des amas en quelques secondes, et nous aidaient à nous mettre bien en garde contre ces amoncellements pour ne pas exposer nos canots à être broyés.

Elles avaient dû forcément être refoulées de quelque part, car quelque temps après elles suspendaient leurs mouvements, et nous pouvions franchir deux ou trois petites mares d’eau claire, pour recommencer à pousser nos canots sur la glace.

Nous donnions aussi des escousses de dix minutes, avec des arrêts de cinq minutes.

Au début de cette manœuvre nous avions jeté par dessus bord tous les effets qui ne nous étaient pas absolument nécessaires les ancres, un harpon, des genouillères qui, une fois imbibées d’eau, n’étaient plus de service, un croc, toutes les planches de fond et environ cent cinquante cartouches, en gardant seulement vingt-cinq au cas de besoin.

Le vent ne s’était pas ralenti, mais comme à mesure que nous allions au sud il soufflait plus de l’ouest, il nous poussa sensiblement plus vite du côté de l’est. Il fallut en tenir compte et nous maintenir dans une direction plus ouest. Ceci nous fit dériver encore infiniment plus loin, mais c’était le plus sûr moyen d’éviter d’être emporté plus bas au dessous de Cap Chat ou du Cap Sainte-Anne, où le fleuve s’élargit notablement.

Vers 5 heures du matin, nous fîmes la rencontre d’un gros hummock (banquise moutonnée, en mamelons). Nous nous y mîmes à l’abri pour nous reposer. Mon frère et moi, nous n’avions rien eu à manger ni à boire depuis trente-six heures, de même que les Labrie depuis vingt heures ; ils avaient déjeuné avant de partir. Je ne sentais pas beaucoup la faim, mais j’avais grandement soif, comme tous les autres, du reste, et parfois ils avalaient un peu de neige, mais à