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QUE FAIRE UNE FOIS ÉGARÉ DANS LE BOIS

Les Montagnais se montrent très orgueilleux de leur habileté dans les métiers forestiers, et, sous ce rapport, regardent leurs frères, les blancs, comme des enfants d’école.

Au cours de mes randonnées dans le bois, nous nous sommes souvent rencontrés et nous avons campé et vécu ensemble. Un soir, nous eûmes à notre camp, la visite de quelques sauvages, qui se trouvaient dans le voisinage. Notre bloc de bois et sa fiche les intriguèrent. Ils nous demandèrent ce que nous en faisions. Je leur expliquai la chose et ils me dirent que dans la tribu, ils n’avaient jamais entendu parler de cette façon de faire du feu. La discussion se poursuivit sur les différentes méthodes de faire un feu, et, à la fin, à leur ébahissement, j’affirmai que je pouvais, soit leur brûler les doigts, soit allumer un feu avec un morceau de glace. Ils prirent la chose en badinage ; mais quand je maintins que ça pouvait vraiment se faire, l’un d’eux m’offrit de parier sa plus belle peau de castor, que c’était impossible. Je lui dis de revenir le lendemain vers midi, s’il faisait beau, d’apporter sa peau, et qu’alors je lui brûlerais les doigts, en même temps que je lui livrerais le secret.

Ça ne manqua pas. Le lendemain il arrivait à l’heure dite, mais il n’était pas seul. Toute la famille était venue pour être témoin de cette opération magique.

Dans l’intervalle, j’avais préparé un beau morceau de glace transparent. Avec mon canif je lui avais donné la forme d’une lentille de trois pouces de diamètre, que j’avais polie avec la paume de ma main. Quand tout fut à point, je lui pris une main, et à travers la lentille j’y concentrai les rayons du soleil. Je réussis vite à lui faire une brûlure. Dans son incrédulité, il se tint la main si longtemps dans la même position, que je finis par lui infliger une ampoule.