Page:Comeau - La vie et le sport sur la Côte Nord du Bas Saint-Laurent et du Golfe, 1945.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
197
PERDU DANS LA FORÊT

bien compte qu’il devait avancer deux fois aussi vite que je pouvais le faire. La seule chance que j’ai de le rattraper, pensai-je, c’est qu’il tombe épuisé au train qu’il y va. Quoi qu’il en fût, je décidai de continuer ma course tant que je ne l’aurais pas retrouvé.

À quelque distance de l’endroit où il avait lâché les haches et la bouilloire, j’avais trouvé son chapeau, dont les branches l’avaient dépouillé au passage, et qu’il n’avait pas même pris le temps de ramasser.

Je m’étais mis à sa recherche, sans rien emporter avec moi ; mais jugeant que ce n’était pas prudent, attendu que je ne savais pas où et dans quel état je le retrouverais, je retournai chercher une des haches, la bouillotte et des victuailles du sac. J’étais justement à ficeler le tout en un paquet, lorsque j’entendis du bruit. Prêtant très attentivement l’oreille, le bruit se fit plus distinct et provenait du côté gauche de la montagne. Je pouvais entendre casser des rameaux et des branches. Je me dis de suite que ce ne pouvait être d’autre individu que William. Je me précipitai dans la direction du bruit, en criant son nom. Je fus alors témoin d’une scène que je n’oublierai jamais. Je vis mon William, effarouché, qui descendait à bride abattue le coteau, le visage et les mains ensanglantés par de multiples écorchures et ruisselant de sueurs. Il portait les cheveux très longs, ce qui lui donnait un air encore plus hagard.

En m’apercevant, il s’élança de mon côté, à la façon d’une bête sauvage, me prit par le cou de ses deux bras, me serrant à m’étouffer en criant.

— Alex, Alex, ne me quitte plus, pour l’amour de Dieu, ne me quitte plus !

Je réussis à le tranquilliser, fis un bon feu, pour lui permettre de se reposer et de reprendre ses sens. Il était très abattu et absolument incapable de faire