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PREMIÈRES ANNÉES

dix mille livres de saumon ; ce qui fait que jusqu’ici, dans mon existence, j’en ai palpé et manipulé des milliers. Mais, à plus tard la suite ! Écartons cette digression.

Je présume que, jusqu’à l’âge de quatre ou cinq ans, je me développai comme la plupart des bambins de mon âge, mais, à partir de là, ma vie échappa à la routine ordinaire de presque tous les enfants des familles de race blanche.

Les membres de la famille de l’agent d’un poste de la Compagnie de la Baie d’Hudson, particulièrement à l’époque de mon enfance, étaient les seuls blancs que l’on rencontrait à la ronde ; parfois, ils n’étaient pas tous pur blancs ; car il arrivait qu’un agent avait épousé une métisse ou une sauvagesse pur sang. Par conséquent, je n’avais pas d’autres compagnons de jeux que des jeunes garçons Esquimaux, Nascapis, ou Montagnais, suivant le poste que nous habitions.

Nous nous amusions surtout à courir les flaques d’eau laissées sur la grève, par la marée basse, et à harponner le poisson. Les harpons, nous les fabriquions nous-mêmes avec des clous, des os, et parfois avec du bois seulement. Ces derniers ressemblaient pas mal aux dards en usage sur les bateaux. On choisissait un morceau de bois dur ; on en fendait un bout en quatre ou six fourchons que l’on écartait au moyen de petits coins et que l’on aiguisait ensuite en pointes. C’étaient des armes mortelles pour le petit poisson, comme le capelan et l’anguille de sable ; on en embrochait fréquemment trois ou quatre d’un seul coup.

Nous nous servions des harpons à pointes de fer pour darder certains poissons comme le carrelet, le sucet, les sculpins, l’anguille de roche et quelquefois les crabes et les homards. Nous ne tenions pas beaucoup à ces deux derniers ; nous redoutions leurs pinces.