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LES LOUPS-MARINS ET LEUR CHASSE

Quand un gros mitré ou crêté a été abattu, deux canots se mettent ensemble pour le remorquer à terre, ou sur un glaçon du voisinage, où on le hale par les crochets d’acier ; on lui enlève le gras et la peau tout d’un morceau et l’on jette la carcasse au rebut. S’il y a long à faire pour le traîner en remorque, on pratique une petite ouverture dans la poitrine que l’on gonfle d’air en soufflant dedans ; de sorte qu’il y a moins lourd à traîner et moins de danger de le perdre, si, par accident, le crochet perdait prise.

Il y a quelques années, plusieurs goélettes appareillaient de Natashquan et de la Pointe-aux-Esquimaux, pour donner la chasse au loup-marin. Certains de leurs capitaines me dirent que lorsque de gros mitrés étaient signalés, sur des glaces en dérive, ils ne tentaient jamais de les approcher en canots ou en petite chaloupe à fond plat, mais qu’ils faisaient voile directement sur eux avec la goélette. Cinq ou six des chasseurs se portaient alors, à l’avant, et, au moment où l’attention des loups-marins était attirée par les grandes voiles au-dessus d’eux, ils leur tiraient toute une bordée à dix ou quinze verges de distance.

Depuis quelques années, je n’ai pas eu beaucoup de temps à donner à la chasse du loup-marin, mais j’ai appris de plusieurs, que le loup-marin mitré avait notablement diminué en nombre, près de la Pointe-des-Monts, par suite, croit-on, de la quantité détruite dans le golfe, par des bateaux à vapeur de Terreneuve, qui y font maintenant la chasse au loup-marin. Je regretterais beaucoup de les voir disparaître de nos eaux, parce qu’ils ont du courage et de la bravoure, et, dans mon opinion, comme gibier, ils l’emportent de beaucoup sur tous les ours noirs que j’ai pu rencontrer.