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LES LOUPS-MARINS ET LEUR CHASSE

par la quantité d’huile qu’ils produisaient ; mais celui de mon frère devait bien peser dans les douze cents livres.

Ces loups-marins sont dans leur état le plus florissant, en décembre, quand ils se mettent à grimper sur les glaces près de l’embouchure de nos grandes rivières, telles que la Bersimis, la rivière aux Outardes et la Manicouagan, et qu’ils se laissent emporter à la dérive avec elles pendant bien des jours, cela sans manger.

Ici, on ne se sert pas de plus petit plomb que le S. S. G. pour leur faire la chasse, et la distance de vingt verges est une bonne portée. On ne les vise jamais au museau ou quand ils font face au chasseur, à moins que la tête soit assez haute au-dessus de l’eau pour dégager la gorge. Un coup de fusil sur le côté ou sur le derrière de la tête est ce qu’il y a de plus sûr. En temps calme ou chaud ils s’étendent de toute leur longueur à la surface de l’eau, en ayant l’air de dormir. J’en ai souvent approché qui étaient dans cette position, à quelques pieds seulement. D’autres dormiront, ou du moins fermeront les yeux, en prenant une position perpendiculaire ; c’est alors qu’ils se prêtent aisément et sûrement à un coup de fusil. Quelques-uns, à la seule vue d’un canot, se précipiteront à sa rencontre, en faisant entendre des ronflements et jaillir l’eau, et ne s’arrêtent que lorsque l’on tire dessus. Voilà la sorte de loups-marins dont il faut se garer.

Il est vraiment surprenant de voir avec quelle agilité cette masse de gras et de chair se meut parfois. Quand le temps était au beau, j’ai fréquemment calculé le temps qu’ils restaient sous l’eau, et, montre en main, j’ai trouvé que c’était de vingt à trente minutes. Pour être plus précis, le temps le plus long que j’ai pu établir a été vingt-sept minutes.