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LES LOUPS-MARINS ET LEUR CHASSE

Pendant que j’étais ainsi occupé, je vis surgir, à environ trente verges de la bouteille un autre loup-marin qui, les yeux fixés dessus, flairait. Il plongea et reparut plus près de la bouteille, en faisant les mêmes gestes ; il replongea et revint à la surface à côté de la bouteille en faisant éclabousser l’eau. Il sauta par-dessus et la poussa de son museau en voulant apparemment l’envoyer au fond ; ce fut alors que je coupai court à ses jongleries ; je lui envoyai une balle et je le manquai.

Je ne pouvais m’imaginer ce qui le faisait agir de la sorte, mais l’un des passagers du yacht prétendit que la bouteille devait sentir le « Kilmarnock »— je ne peux pas me porter garant du fait.

Des chasseurs habiles, se couchant sur les rochers ou les barres de sable que ces loups-marins fréquentent, peuvent les attirer en imitant leurs appels et leurs mouvements. Quand le truc est bien exécuté, que le chasseur s’est enveloppé d’une peau de loup-marin, et qu’il a tenu compte de la direction du vent, ils surgiront à quelques pieds. C’est à l’aube le meilleur temps de faire cette sorte de chasse. Pour démontrer avec quel naturel on peut imiter un loup-marin, je suis en position de pouvoir dire que l’Indien lui-même, tout exercé qu’il soit, s’y laisse prendre. Pendant que nous demeurions à Mingan, Natsishouk « celui qui nous regarde dans l’œil », chef dans cette localité reçut un coup de fusil et faillit être tiré par un autre Indien, en faisant ainsi son loup-marin sur un rocher. Il fut si gravement blessé qu’il en eut pour six mois au lit.

Je trouve très intéressante la chasse au loup-marin de grève, d’autant plus intéressante qu’on peut s’y livrer durant la saison la plus belle de l’année, et dans des affûts à l’abri. Le novice peut éprouver des désap-