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BRACONNIERS

J’avais longtemps auparavant, deviné qu’il n’était pas seul, et qu’il avait des associés qui l’avertissaient chaque fois que je quittais la maison.

J’avais plusieurs fois passé la nuit auprès de la fosse, et j’étais resté plusieurs jours de suite caché dans le bois pour le surprendre, mais c’avait été en vain.

La fosse était à plus de trois milles de la maison, et il fallait parcourir la moitié de cette distance en canot par la rivière jusqu’au pied du premier rapide où commençait le portage. Dès qu’on laissait la rivière sur le côté ouest, se dressait à pic une grande côte, du haut de laquelle on avait une vue d’ensemble de la rivière jusqu’à son embouchure, et le village des Indiens était justement situé à l’extrémité d’une pointe. Tout signal donné de là pouvait être vu de la côte et mettre un braconnier parfaitement sur ses gardes.

Un matin, fatigué de faire le guet, j’avais dormi plus tard que d’habitude. Il était à peu près dix heures, et je finissais de m’habiller, lorsque je vis un sauvage se diriger du côté de ma maison. Il me vint de suite à l’idée que William, ne me voyant pas rôder d’ici de là, envoyait cet individu-là pour espionner. Ma sœur était avec moi. Je lui dis d’essayer de retenir le garçon aussi longtemps que possible et de lui dire, s’il s’informait de moi, que j’étais parti depuis le matin pour aller racommoder l’un de mes filets à hareng dans la baie.

Dès que le sauvage entra chez moi par une porte, je filai par une autre en me dissimulant le mieux possible, je pris une course du côté du bois qui était tout près de la maison. Mon plan fut alors d’atteindre la rivière en face de la haute côte que je viens de mentionner, et, si je voyais la silhouette d’un guetteux dans l’endroit, de continuer mon chemin sur le côté est de la rivière, me jeter à la nage quelque part et gagner