surprises à propos de la sainte Ampoule et de l’Oriflamme, et dont il usera pareillement, quand il parlera de la garde suisse et de la garde écossaise, tous ces amendements à une pensée première indiquent plus de prudence qu’on n’en a à dix-huit ans. Ils indiquent du moins qu’on a revu, qu’on a retouché son œuvre, que le premier jet peut appartenir à cet âge, que la composition définitive est d’un âge plus mûr. Montaigne est tellement contrarié du mauvais usage que les protestants faisaient de ce discours, qu’il voudrait dégager la responsabilité de son ami par l’excuse de l’âge, d’un essai inoffensif, retaillé souvent par les anciens, d’un exercice littéraire sans préméditation, sans but, échappé à La Boëtie au milieu de ses études classiques et qu’il n’avait plus revu. « Je crois qu’il ne le vit oncques, depuis qu’il lui échappa en sa première jeunesse… » Mais voilà que La Boëtie parle d’une chose qu’on est étonné de trouver dans son discours, s’il le composa si jeune. Il parle d’un poème épique de Ronsard, de la Franciade. « Laissons à la poésie française, dit-il, ces beaux contes du roi Clovis, l’Ampoule, l’Oriflamme, auxquels je vois combien à son aise s’y égaiera la veine de notre Ronsard en sa Franciade. » La Franciade ! elle est du règne de Charles IX, et les quatre chants que nous avons sont dédiés à ce prince. C’est l’opinion de M. Noël, professeur de rhétorique au lycée de Versailles, éditeur des œuvres de Ronsard, et grande autorité en cette matière. Or, au commencement du règne de Charles IX, La Boëtie, né en 1530, avait trente ans. Mais vient M. Feugère, éditeur des œuvres de La Boëtie, et la bataille des éditeurs commence. Ronsard parle de Francus, c’est-à-dire de la légende fort ancienne de Francus, venu de Troie comme le pieux Énée, et père de nos rois, car il fallait se rattacher à l’Iliade et à l’Énéide et donner à nos rois une origine classique : et il en parle sous Henri II, avant l’avènement de Charles IX ; n’est-ce pas écrasant ! M. Feugère en conclut, premièrement, que la Franciade est du règne de Henri II ; secondement, que La Boëtie a bien pu composer son discours à l’âge qu’indique Montaigne.
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