Page:Combes - Essai sur les idées politiques de Montaigne et La Boëtie.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réjouit de tous les maux qui, à partir de ce moment, accablèrent le pays. « Tant pis pour les Juifs, dit La Boëtie ; ils l’avaient bien voulu. On n’a rien à soi sous les tyrans, ni biens, ni maisons, ni femme, ni enfants. Tout sert au plaisir d’un homme, qui se mignarde dans ses délices. » Il répète avec satisfaction ce que le grand-prêtre Samuel disait aux Juifs, pour les engager à rester sous le gouvernement républicain des Juges, et il renchérit sur ses expressions. « Les tyrans, ajoute-t-il, poussent les peuples au vice et à la lâcheté ; ils ne songent qu’à les abêtir et à les avachir, » qu’à les rendre imbéciles et mous ; ils spéculent sur la corruption et l’ignorance ; ils n’ont que des mercenaires pour les garder. « Lisez, dit-il, l’ouvrage de Xénophon sur Hiéron le Tyran, Βασιλεὺς ἢ τύραννος : vous verrez comme il les peint. » Car le discours de La Boëtie est rempli de citations de Xénophon, d’Aristote, de Cicéron, de Sénèque, de Lucain, de Virgile, d’Homère, etc., et suppose des recherches infinies. Le début n’est autre chose que deux vers d’Homère, traduits par La Boëtie :

« D’avoir plusieurs seigneurs aucun bien je ne vois,
Qu’un, sans plus, soit le maître et qu’un seul soit le roi ! »

« Ulysse, qui parle ainsi, dit La Boëtie, voulait apaiser une révolte des troupes, et il se conformait au temps plus qu’à la vérité. Il aurait dû dire que si un seul maître ne vaut rien, à plus forte raison plusieurs. » La Boëtie continue, et il se charge de nous dire qu’en effet ils ne valent rien. « Les mieux traités par les tyrans n’en peuvent attendre que d’être serfs ou esclaves. Il ne faut pas s’approcher de l’antre obscur où logent ces lions, mais penser plutôt à ce que dit le renard de la fable : « il voyait bien des traces d’aller, il n’en voyait pas de revenir ; » les visiteurs n’en revenaient point. La tyrannie est comme le feu, trouvé par le sage Prométhée ; un satyre indiscret le trouva si beau qu’il voulut le baiser, et se brûla. »

La Boëtie se sert de tout, de l’histoire, de la fable, de la