Page:Comédie humaine - Répertoire.djvu/516

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

sur un crime, les premières assises de sa fortune, qui fut considérable. Dans une auberge voisine d’Andernach (Prusse Rhénane), Jean-Frédéric Taillefer, alors chirurgien militaire, tua et dépouilla nuitamment un riche commerçant indigène, M. Walhenfer ; il ne fut cependant jamais inquiété pour ce meurtre ; car d’accablantes apparences accusèrent son ami, collègue et compatriote Prosper Magnan, qui fut exécuté. De retour à Paris J.-F. Taillefer, dès lors, fut un personnage opulent, honoré. Capitaine de la première compagnie de grenadiers de la garde nationale, banquier influent et entouré pendant l’enterrement de J.-B. d’Aldrigger, il fit d’heureuses spéculations durant la troisième spéculation de Nucingen ; il se maria deux fois, et maltraita sa première femme, une parente de madame Couture, qui lui donna deux enfants, Frédéric-Michel et Victorine. Il possédait un hôtel superbe, rue Joubert. Il y donna, sous Louis-Philippe, la plus magnifique des fêtes, au dire des invités présents : Blondet, Rastignac, Valentin, Cardot, Aquilina de la Garde, Euphrasie. — M. Taillefer souffrait, néanmoins, moralement et physiquement : d’abord, du crime jadis commis par lui, et dont le remords lui revenait vers l’automne, époque anniversaire ; puis, de la goutte dans la tête, d’après le docteur Brousson. Bien soigné par la seconde de ses femmes et par sa fille du premier lit, Jean-Frédéric expira quelque temps après un fastueux raout donné chez lui. Une soirée passée dans le salon d’un banquier, père de mademoiselle Fanny, hâta la fin de Taillefer, forcé d’écouter le récit d’Hermann relatant l’inique martyre de Magnan. Le billet mortuaire était ainsi libellé :

Vous êtes prié d’assister au convoi, service et enterrement de
M. JEAN FRÉDÉRIC TAILLEFER,

de la maison Taillefer et compagnie, ancien fournisseur des vivres-viandes, en son vivant chevalier de la Légion d’honneur et de l’Éperon d’or, capitaine de la première compagnie de grenadiers de la deuxième légion de la garde nationale de Paris, décédé, le 1er  mai, dans son hôtel, rue Joubert, et qui se feront à…, etc.

De la part de…, etc.

(La Maison Nucingen. — Le père Goriot. — La Peau de Chagrin. — L’Auberge Rouge).