fournies par l’observation, il appliqua une analyse si intuitive, qu’il découvrit, derrière ces menus faits ramassés en médiocre quantité, les forces profondes, les génératrices, si l’on peut dire. Il a lui-même, et toujours à propos de Daniel d’Arthez, décrit d’un trait la méthode de ce travail analytique et généralisateur. Il l’appelle une « pénétration rétrospective ». Vraisemblablement, il s’emparait des données de l’expérience et les jetait comme dans un creuset de rêveries. Grâce à une alchimie assez analogue au procédé de Cuvier, le plus petit détail lui permettait de reconstituer tout un tempérament, et un individu toute une classe ; mais, dans ce travail de reconstitution, ce qui le guidait, c’était toujours et partout ce procédé habituel aux philosophes : la recherche et la vue des causes.
C’est grâce à cette recherche que ce songeur a défini presque tous les grands principes des modifications psychologiques propres à notre temps. Il a vu nettement, et tandis que la démocratie s’installait chez nous sur les ruines de l’ancien régime, les nouveautés de sentiments que les transferts des classes les unes dans les autres allaient produire. Il a compris toutes les complications de cœur et d’esprit de la femme moderne par une intuition des lois qui sont imposées à son développement. Il a deviné la transformation de l’existence des artistes consécutive à la métamorphose de la situation nationale, et, encore aujourd’hui, le tableau qu’il a tracé du journalisme dans les Illusions perdues demeure d’une vérité stricte. Il me semble que ce même pouvoir de vision des causes, qui a fait la richesse d’idées de son œuvre, en fait la magie. Tandis que les autres romanciers nous décrivent l’humanité par le dehors, il nous la montre, lui, à la fois par ce dehors et par le dedans. Les