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Elle fit un détour par les près.

CHAPITRE XIV

Compassion d’Anne pour un prisonnier, et ce qui s’ensuivit.

Ce n’était pas que la petite Anne fût gourmande ; mais elle avait l’âme d’une ménagère, et savait la considération que méritent toutes les choses que l’on mange avec le pain. Le pain lui-même, le boulanger l’apporte, on n’a pas à s’en occuper : mais un pot-au-feu bien conduit, un roux bien fait, une sauce bien liée, un rôti bien saisi, et surtout (j’entends à l’âge d’Anne) une crème bien prise, une compote bien glacée de son sirop, une marmelade bien réduite, une gelée bien transparente et bien ferme à la fois, qui tremble quand on la coupe, et se laisse pénétrer par la lumière qui la fait briller comme une topaze ou comme un rubis, quelles choses intéressantes et respectables ! et qui oserait en nier l’importance ? Elles causent deux joies à la ménagère : la première, c’est d’en surveiller la confection ; la seconde, de saisir sur la physionomie des gens qui s’en régalent le plaisir qu’elles leur causent. Il y a des femmes pour qui ces joies-là