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le violoneux de la sapinière.

nide, mais sans quitter les bras de son père, comme si elle eut voulu garder en lui un défenseur ; non, j’aime encore mieux ne rien savoir de toute ma vie. Mais, ajouta-t-elle timidement, vous m’avez dit qu’on apprenait tout dans les livres ; si vous vouliez me prêter les vôtres, peut-être que je deviendrais savante sans aller en pension. Car je sais lire, je lis très-bien, je vous assure ; et je sais écrire aussi ; j’ai écrit une belle lettre pour Pélagie à son frère le soldat, il l’a reçue, et il a écrit qu’il avait très-bien compris ce qui était dedans.

— Eh bien, soit, puisque tu le veux aussi, reste ! dit Mlle Léonide. Tout ce que je peux faire pour toi, je le ferai. Après tout, j’ai du temps à dépenser, et Diablotin ne demande qu’à courir. Je viendrai te donner des leçons, et tu travailleras seule, comme tu pourras, les jours où je ne viendrai pas. Tu apprendras toujours quelque chose comme cela. Et nous allons commencer tout à l’heure. »

Mlle Léonide eut un rude moment à passer ; la fille l’étouffait de caresses, pendant que le père lui serrait les mains à les lui broyer. Au bout d’un instant pourtant elle put retirer ses pauvres mains qu’elle secoua et dont elle se servit pour détacher de son cou la petite Anne.

À la fin de la semaine, Anne avait appris l’histoire d’Adam et d’Ève, connaissait la différence du nom et de l’adjectif, savait compter jusqu’à cent, et faisait quatre exercices sur le piano.