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le violoneux de la sapinière.

qui avaient eu lieu pendant sa dernière absence de trois années ; elle s’informait des occupations de la petite Anne, de ses travaux, de ses plaisirs ; et puis elle se mettait à parler de ses projets.

« N’allez-vous point vous reposer ? lui demandait M. Plisson.

— Me reposer ! et pour quoi faire ? Cela n’est bon à rien de se reposer ; j’aurai bien le temps quand je serai enterrée. Il faut que vous veniez au Tablier. Je vous montrerai tout ce que j’ai rapporté d’Italie : des gravures, des copies et des croquis que j’ai faits. Je les tiens à la disposition de ceux qui voudront les voir, pour apprendre aux gens de par ici qu’il y a autre chose dans le monde que leur pays. J’ai une foule d’idées dans la tête : vous verrez. Tenez, voulez-vous me donner Anne ? je vous la ramènerai demain ; cela la distraira, la pauvre petite.

— Et qui est-ce qui servirait le café à papa, demain matin ? demanda l’enfant avec un petit air d’importance.

— Oui, dit Pélagie qui revenait de la cuisine chargée d’une pile d’assiettes qu’elle venait de laver et qu’elle s’apprêtait à serrer dans le grand buffet, oui, pour la mettre en morceaux, avec votre vilain petit cheval d’une espèce comme on n’en a jamais vu par ici ; une bête enragée, qui ne peut pas rester tranquille une minute !

— Bah ! bah ! Diablotin n’est pas si méchant qu’il en a l’air, et vous saurez bien servir le déjeuner du docteur, ma bonne Pélagie. Je vous ramènerai demain l’enfant en bon état. Allons, c’est dit, je l’emmène. Va prendre ton chapeau, et un bon manteau, car il gèle. »

Et, cinq minutes après, Diablotin entraînait la carriole, Mlle Léonide, et la petite Anne, qui envoya des baisers à son père aussi longtemps qu’elle put le voir.