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le violoneux de la sapinière.

et tricote au coin du feu, sans se fatiguer, les bas de la famille. Ambroise retrouve peu à peu ses anciennes occupations ; il faut bien qu’on se remette à vivre. Si, le dimanche, un étranger passant par Chaillé entre dans la vieille église, il s’arrête ravi des mélodies graves et sereines qui montent de l’orgue, et, surpris du talent de l’organiste, il se dit : « Quel dommage qu’un pareil artiste ne soit pas dans une grande ville ! » Mais Ambroise ne pense pas ainsi, lui ; il est heureux quand sous ses doigts palpite un hymne de reconnaissance pour Dieu qui lui a donné, avec les joies de la famille, les joies de l’art ; il est plus heureux encore quand il s’assied entre la Tessier qui l’aime et qui l’admire, et Véronique, sa femme et toujours son ange gardien. Ils ont aussi un fils : je ne puis vous dire s’il sera beau ou laid : à l’âge qu’il a, on ne ressemble pas encore à grand’chose ; mais il paraît qu’il a les mains longues et les doigts très-déliés : il jouera du violon. C’est le père Tarnaud qui le dit : il est plus souvent chez son fils qu’à la Sapinière, car le père Tarnaud déteste les disputes, et il en entend tout le long du jour chez lui, depuis que Louis est marié avec la Madeluche, qui n’est jamais du même avis que la Tarnaude.

Et Turlure ? il est trop vieux pour garder les moutons ; aussi ne l’a-t-on point cédé aux gens qui ont loué la petite maison de la Tessier ; on lui donne ses invalides, et il a sa place devant le foyer qui réunit autour du feu, les soirs d’hiver, l’heureuse famille du violoneux de la Sapinière.