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le violoneux de la sapinière.

Chacun accepta, en se demandant ce que pouvait avoir à dire Mlle Léonide ; et l’on fut exact au rendez-vous.

Mlle Léonide reçut ses invités dans la salle d’école, remise à neuf après le départ du dernier blessé. On y vit arriver successivement la famille Arnaudeau, Anne et son père, M. Bardio, le maire de la commune, un monsieur inconnu que Mlle Brandy présenta comme l’inspecteur des écoles, le curé de la paroisse et son principal marguillier, Ambroise, Julien Tarnaud et sa femme, Véronique et la Tessier, qui restèrent modestement près de la porte, étonnés de se trouver en si brillante compagnie, et enfin le notaire, qui déposa sur la table un grand portefeuille noir dont il tira plusieurs papiers.

Alors, la réunion étant au complet, Mlle Léonide prit place derrière la table.

« Je vous ai fait venir tous, dit-elle, pour vous faire part de mes dernières dispositions. Il y a des gens qui font leur testament en faveur de tel ou tel, et qui réjouissent grandement leurs héritiers quand ils finissent par se décider à mourir. Moi, je me suis dit : je vais faire mon testament de mon vivant ; j’y gagnerai de voir pendant quelques années, j’espère, le bien que j’aurai fait, et personne ne se réjouira de ma mort. J’ai donc disposé d’une partie de mon bien pour différentes choses, me réservant seulement une rente pour vivre chez mon excellent ami le docteur, qui veut bien me recevoir dans sa maison, et qui y gagnera de ne pas rester seul et d’être toujours sûr de trouver en rentrant quelqu’un au coin de son feu pour le faire enrager. »

Ici le discours de Mlle Léonide fut interrompu par Anne, qui lui sauta au cou en la serrant à l’étouffer. De là, la jeune fille passa dans les bras de son père, qu’elle embrassa en lui disant :

« Oh ! à présent je suis tout à fait contente. Si tu savais ! cela me faisait tant de peine de te laisser seul !

— Un peu de silence, je n’ai pas fini ! cria Mlle Brandy en frappant sur sa table comme si elle voulait faire taire une classe turbulente. Il faut bien que je vous dise ce que j’ai fait du reste de mon argent. Monsieur le notaire, voulez-vous présenter à la signature de M. le curé et de M. le marguillier l’acte que voici. Il y est fait don à l’église de Chaillé-les-Ormeaux d’un petit orgue ou harmonium à deux claviers, destiné à accompagner le chant des prières, et d’une rente de 500 francs constituée au profit de l’organiste ; sous la condition expresse que le premier organiste, qui conservera cette charge sa vie