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le violoneux de la sapinière.

à recommencer. Je ne t’ai jamais dit cela, Véronique, parce que tu devais bien le savoir : tu devines toujours tout ce que j’ai dans l’esprit avant que je le sache moi-même ; mais j’ai toujours eu l’idée de te demander d’être ma femme, dès que je gagnerais assez pour te faire vivre, et ta mère aussi, qui travaille du matin au soir, vieille et faible comme elle est ! J’aurais tant de plaisir à lui dire : « Asseyez-vous là au coin du feu, la mère, et ne faites d’ouvrage que ce que vous voudrez : nous voilà deux jeunes, trop contents de travailler pour vous ! » Mais je ne devrais pas te dire cela, à présent que je ne suis qu’un mendiant ! »

Véronique se taisait. Ambroise la regarda ; elle avait les yeux brillants comme le jour où elle l’avait décidé à partir pour l’armée. Elle posa sa main sur celle d’Ambroise et lui dit :

« Si j’étais seule, je te dirais tout de suite : « Ambroise, je veux bien être ta femme ; je gagnerai pour toi en attendant que tu gagnes pour moi, et je t’empêcherai d’être malheureux. » Mais j’ai ma mère à soutenir : il faut donc prendre patience. Les mauvais jours passeront, Ambroise, et je t’attendrai ! »