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le violoneux de la sapinière.

gâteau si grand qu’il débordait des deux côtés de la table. Chacun en eut sa part.

Puis, quand tout fut mangé, Anne, soigneuse et propre comme une bonne ménagère, prit une serviette qu’elle mouilla, et s’en alla d’un air posé débarbouiller les plus petits enfants, qui s’étaient fait de belles moustaches de crème.

Ensuite Ambroise prit son violon, se mit à la porte et commença à jouer une belle contredanse ; et tous les enfants défilèrent à sa suite en se tenant par la main. On dansa longtemps sur le pré, et les enfants rentrèrent chez eux enchantés d’une école qui commençait d’une façon si amusante.

Quand il s’agit de travailler, tous ne revinrent pas, il est vrai ; mais ceux qui revinrent en attirèrent bientôt d’autres. Ils faisaient, chez eux et ailleurs, de si beaux récits de tout ce que leur apprenait Mlle Léonide ! C’étaient des histoires de plantes utiles ou merveilleuses, la manière de les faire pousser, d’avoir de beaux légumes, de beaux fruits ; c’était l’histoire d’enfants pauvres et ignorants comme eux, qui par leur travail et leur bonne conduite étaient devenus des hommes utiles ; c’étaient des récits touchants de traits de dévouement ou de courage qui faisaient battre le cœur des petits auditeurs. C’était aussi l’histoire des bêtes de la ferme, et c’est si amusant, quand on soigne ses poules, ses vaches ou ses oies, de savoir de quel pays viennent ces bêtes-là, combien il y en a d’espèces, comment on peut les guérir quand elles sont malades, et quelles sont les espèces les plus avantageuses à élever, soit en volailles, soit en bétail.

Les enfants répétaient ces belles choses à leurs parents, qui ne manquaient pas de hausser les épaules en disant : Comment peut-elle savoir tout cela, elle qui n’a jamais été dans une ferme ? Mais quelques-uns, en y songeant, se disaient : Qui sait ? c’est peut-être bien vrai tout de même ! Et ils essayaient timidement de suivre les conseils de Mlle Léonide.

Comme ils s’en trouvaient bien, ils continuaient ; si bien qu’au bout de quelque temps les fruits, les légumes et les volailles de Chaillé étaient en renom dans le pays.

L’école du soir réussissait très-bien aussi. La jeunesse, qui aime le nouveau, trouvait les histoires utiles de Mlle Léonide plus amusantes que les contes de loups-garous qu’on savait par cœur à force de les avoir entendu raconter aux veillées d’hiver. L’institutrice eut donc bientôt autant d’élèves qu’elle pouvait en désirer.