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le violoneux de la sapinière.

d’en faire autant. Eh bien, le savoir que vous n’iriez pas chercher, je vous l’apporte. Tous les jours je serai ici, depuis midi jusqu’à quatre heures, et j’instruirai tous ceux qui viendront. Cela ne vous dérangera pas beaucoup, et vous pourrez travailler aux champs ou conduire vos bêtes le matin et le soir. L’hiver, à la veillée, je ferai l’école pour les grands, ceux qui sont occupés toute la journée. Aujourd’hui c’est la fête de notre école, on va vous servir un bon dîner, et puis vous danserez sur le pré qui est à côté de la maison ; et demain j’espère que vous viendrez tous apprendre vos lettres et chanter le bel air que nous allons vous faire entendre, pendant que Manette apportera les assiettes. »

Cette conclusion fit rire les petits. Les autres étaient étonnés ; quelques paresseux se promettaient de profiter du dîner et de laisser la science ; mais la plupart se réjouissaient à l’idée de devenir savants comme les gens de la ville.

Manette parut avec une énorme soupière toute fumante, qu’elle alla déposer sur la table ; elle mit à côté de la soupière une grande pile d’assiettes et alla distribuer à tous les enfants des fourchettes et des cuillers. Des couteaux, il n’en était pas besoin ; tout enfant vendéen en porte un dans sa poche depuis le jour où il a une poche.

Pendant ce temps-là, Mlle Léonide était allée s’asseoir à son orgue, et Ambroise, Anne, Véronique et même Emmanuel, à qui on l’avait appris le matin, chantèrent ensemble un bel air bien simple, avec des paroles que Mlle Léonide avait composées exprès pour qu’elles fussent comprises par les enfants. C’était une prière à Dieu pour qu’il les aidât à s’instruire afin d’aimer leur devoir et d’être utiles à leur pays. Les enfants, qui pour la plupart n’avaient jamais entendu de musique, trouvèrent cela très-beau. Plusieurs même, après avoir écouté un instant, essayèrent de joindre au refrain leurs petites voix timides.

Le chant ne dura pas longtemps ; Mlle Léonide vint s’asseoir dans son fauteuil et commença à servir la soupe. Manette, la Tessier, Véronique et Ambroise s’empressaient à porter les assiettes, et l’on entendait un tintamarre de cuillers fort réjouissant.

Emmanuel voulut aider ; on le pria de découper le rôti, un énorme rôti de veau, doré, fumant, qui sentait bon : beaucoup des convives n’en avaient jamais mangé de pareil. Puis ce fut le tour des pommes de terre frites ; puis vint une crème à la vanille, accompagnée d’un