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le violoneux de la sapinière.

Huit jours se passèrent en déménagement. La Tessier fut engagée pour toute cette semaine-là, et Véronique et Ambroise, ouvriers de bonne volonté, y vinrent à tous les moments qu’ils eurent de libres. Le jour de Pâques tout se trouva prêt, et dès le matin la petite Anne, accompagnée de Pélagie, alla dire de porte en porte « que Mlle Brandy invitait tous les enfants du village à venir entre la messe et les vêpres pendre la crémaillère dans sa nouvelle maison ».

Aucun ne manqua à l’invitation, et à l’heure dite tous les marmots, ceux qui portaient déjà le chapeau ciré et ceux qui n’avaient pas encore de culottes, les filles ornées de la grande coiffe de tulle et celles qui ne portaient encore que le bonnet à trois pièces, firent retentir leurs sabots sur le seuil de la maison neuve.

Mlle Léonide les attendait avec Anne, son aide de camp, Manette, Véronique, Ambroise en grande toilette, son violon à la main, et Emmanuel, arrivé déjà veille.

Mlles Octavie et Sylvanie n’étaient pas là, mais on pouvait espérer leur présence pour un peu plus tard ; elles avaient daigné promettre de venir donner un coup d’œil à la fête.

La porte de la grande salle s’ouvrit à deux battants, et l’on y vit, au fond, sur une petite estrade, un fauteuil, une petite table, et au-dessus du fauteuil, accroché au mur, un beau tableau représentant Jésus laissant venir à lui les petits enfants. Des deux côtés de la salle, des bancs étaient rangés ; devant chaque banc un autre banc plus haut, pouvant servir de table, par terre des paillassons, et sur les murs, des exemples d’écriture, des tableaux de lecture, des cartes de géographie, et de grandes images représentant une foule d’animaux et d’objets utiles à connaître.

On fit entrer les enfants étonnés, on les fit asseoir sur les bancs, et Mlle Léonide, debout au milieu d’eux, leur dit :

« Mes chers enfants, ceux d’entre vous qui sont entrés quelquefois dans l’école de Mareuil ou dans une de celles qui sont à la ville ont déjà dit en regardant cette salle : Cela ressemble à une école ! C’est vrai, mes enfants, c’est une école. Il n’y en a point ici ; vous ne pouvez rien apprendre, et vous restez privés de tous les plaisirs des gens qui savent. Les deux enfants que voici — et elle posa une main sur la tête d’Ambroise et l’autre sur celle de Véronique — ont trouvé moyen de s’instruire, avec beaucoup de peine et de travail, en allant chercher la science bien loin ; et vous pouvez leur demander s’ils sont contents de ce qu’ils ont appris. Mais peu d’enfants sont capables