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le violoneux de la sapinière.

— Quoi donc, mademoiselle ? quoi donc ? s’écrièrent Ambroise et Emmanuel.

— Le violon d’Amati ! C’est trop tard à présent : voilà le feu qui gagne le vestibule : on ne peut plus passer. Eh bien, je le regrette : pauvre violon !

— Il valait beaucoup d’argent ? demanda un paysan.

— Oh ! ce n’est pas l’argent que je regrette, mais je n’en retrouverai pas un pareil. Enfin ! puisqu’il n’y a rien à y faire, c’est perdre son temps que de se désoler. Allons-nous-en d’ici !

— Il y a quelqu’un dans la maison ! » crièrent des femmes qui regardaient l’incendie, leurs marmots pendus à leur tablier.

En effet, une forme noire y apparaissait. On la vit passer en courant devant chacune des fenêtres du salon, puis repasser quelques secondes après, et disparaître. Personne n’avait reconnu l’imprudent.

« Mais où est donc Emmanuel ? demanda M. Arnaudeau inquiet en regardant autour de lui.

— Il est parti par là, avec le fils au père Tarnaud, dit un gamin en désignant une ruelle qui menait derrière la maison de Mlle Léonide.

— Ah ! mon Dieu ! si c’était lui ! » s’écria M. Arnaudeau en courant vers la ruelle indiquée.

Les deux jeunes garçons y parurent à ce moment. Ambroise tenait une longue boîte ; Emmanuel tout en marchant pressait avec ses mains telle ou telle partie des vêtements de son compagnon, d’où s’échappait un peu de fumée.

« Le voilà, mademoiselle ! cria de loin Ambroise à Mlle Léonide. Il n’a pas de mal, ça ne brûlait pas encore à côté de lui.

— Malheureux ! tu es allé le chercher !

— Ma foi oui, mademoiselle ; j’ai pensé qu’un violon comme ça, ça valait presque un chrétien, et je n’ai pas pu le laisser périr.

— Mais par où as-tu passé ?

— Par une fenêtre de derrière. M. Emmanuel m’a fait la courte échelle pour entrer et pour sortir : et voilà le violon.

— Brave garçon ! tu peux venir le jouer tant que tu voudras, à présent ! et je te promets que je ferai de toi un musicien. Tu n’es pas brûlé ?

— Oh ! rien qu’un peu roussi. M. Emmanuel m’a éteint ; et puis d’ailleurs j’avais ma vieille veste. »

Elle se mit à rire.

« Tu en auras une neuve, mon bon ami. À présent allons-nous-en :