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le violoneux de la sapinière.

— Ah ! c’est vrai. Mais qu’est-ce qu’on pourrait bien faire en attendant ? »

La conversation, commencée par-dessus la haie, se continuait dans la maison de la Tessier. Emmanuel s’était assis sur un banc, et regardait autour de lui.

« Il n’y a rien à faire, répondit Ambroise : j’ai rangé le bois qu’elle avait rapporté des champs, et je ne peux pas lui faire sa cuisine. Pour son ménage, il est fait dès le matin, je vous en réponds.

— Et même très-bien fait. Comme c’est propre ! ça n’a presque pas l’air pauvre.

— Oui, c’est joliment balayé, parterre. Il faut voir comme elle se fâche quand Turlure apporte un os ou une croûte. Je suis sûr que, si elle devient riche, la première chose qu’elle fera, ce sera d’avoir des carreaux par terre, comme chez les bourgeois.

— Des carreaux ! voilà une idée ! Sais-tu où il y a de la terre glaise, par ici ?

— Oui, j’en connais un tas près de la carrière. Mais pourquoi ?

— Tu vas voir, nous allons rire. Véronique va-t-elle bientôt revenir ?

— Oui, voilà qu’il fait trop chaud pour ses bêtes. Tenez, je la vois qui vient là-bas.

— Bon. Je vais lui dire d’aller à la maison chercher de l’ouvrage : c’est pressé, c’est pour ces demoiselles qui partent à la fin de la semaine. Moi je pars le lundi d’après : quelle scie ! Elle sort de bonne heure le matin, n’est-ce pas ?

— Guère avant six heures à présent : le soleil commence à se lever tard.

— Très-bien ! Tu vas venir avec moi ; nous irons prendre la brouette du jardinier, nous la remplirons de carreaux ; il en est resté une quantité quand on a repavé notre cuisine. Nous les apporterons ici, nous les cacherons dans un coin derrière la haie ; nous irons chercher de la terre glaise et nous en ferons une bonne provision ; et demain matin, dès qu’elle sera partie et sa mère aussi, nous arrivons, nous faisons notre mortier, et nous lui pavons toute sa chambre. Qu’en dis-tu ?

— Je dis que vous avez une fameuse idée, monsieur Emmanuel. Et vous saurez mettre les carreaux ?

— Si je saurai ! J’ai bien vu faire les ouvriers ! »

Il les avait vus faire, en effet, et il avait saisi leurs procédés mieux