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le violoneux de la sapinière.

La coiffure paraît si bien Octavie, que Sylvanie s’en commanda sur-le-champ une semblable ; et Véronique ajouta le soir une si belle somme au trésor contenu dans son vieux bas, qu’elle ne mit plus de bornes à son ambition, et rêva de chausser d’une belle paire de souliers sa mère qui n’avait jamais porté que des sabots.

Le bal ressembla à tous les bals de campagne : tout le monde s’y amusa, même Octavie, quoiqu’elle ne crût pas de sa dignité d’en avoir l’air.

Emmanuel avait des souliers vernis qui le gênaient un peu ; mais cela valait mieux ainsi, car il marcha sur tant de pieds chaussés de satin noir ou blanc, qu’on ne peut songer sans frémir aux désastres qu’auraient causés ses gros souliers à clous. La petite Anne vint au bal pour la première fois de sa vie, et y resta jusqu’à dix heures ; elle joua très-bien sa polka, et fut trouvée très-gentille avec sa robe blanche et ses deux grosses tresses brunes qui tombaient jusqu’au bas de sa jupe. Elle s’amusa beaucoup, et, en partant, elle pria Emmanuel, qui l’avait conduite jusque dans le vestibule, de lui donner dans son mouchoir un morceau de gâteau pour Véronique « pour lui faire goûter les bonbons du bal ». Emmanuel lui en donna plein un sac.

Véronique gagna à ce bal autre chose que des bonbons. Il y eut beaucoup de soirées de danse dans le pays, et on lui commanda une grande quantité de coiffures.

On ne les lui payait pas si cher qu’à une fleuriste, mais c’était encore beaucoup pour elle. De plus, Mme Amiaud l’ayant engagée à offrir ses services aux dames pour faire des ourlets, des surjets et différentes autres coutures, elle eut bientôt de l’ouvrage assuré pour tout l’hiver.

Elle ne voulut pas cependant renoncer au tricot ; elle pensait que ce serait de l’ingratitude envers les gens qui lui avaient donné du travail quand elle était toute petite ; et même elle se donna le plaisir de tricoter gratis une paire de bas à la mère Gillette.

Les affaires d’Ambroise allaient fort bien aussi. On avait été content de ses services chez M. Arnaudeau, et il fut engagé pour faire danser à tous les autres bals.

Quand il avait un jour de libre, sans bal ni préveil, il faisait ses trois lieues à pied pour aller à la ville demander une leçon de violon à M. Bardio. Il allait aussi chez Mlle Léonide, et il eut plu-