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le violoneux de la sapinière.

et remplie de fleurs de la saison, qu’elle y avait disposées avec son goût habituel.

« Madame, dit Anne à Mme Arnaudeau avec son gentil sourire, voilà Véronique qui m’a apporté une corbeille qu’elle a faite, et je l’ai trouvée si jolie que j’ai pensé qu’elle ornerait bien votre console. Voulez-vous la prendre ? Véronique m’en fera une autre.

— Charmant, en vérité ! Très-poétique ! tout ce qu’il y a de plus nature ! dit Mlle Octavie en braquant son lorgnon sur la corbeille.

— Puisqu’elle vous plaît, nous allons la prendre, dit Mme Arnaudeau. Pose-la sur ce meuble, petite, et attends un peu : je vais chercher ma bourse pour te la payer. »

Anne examinait la triste coiffure. « Quel dommage ! dit-elle. Mais qu’allez-vous mettre à la place ?

— Je n’en sais rien : je n’ai que des vieilleries, c’est désolant ! Si j’étais à Nantes, j’enverrais chez Mlle Christine, la célèbre fleuriste ; elle monte des coiffures en fleurs naturelles… c’est à se mettre à genoux devant. Mais ici, comment faire ?

— En fleurs naturelles ? répéta Anne. Est-ce qu’on peut en mettre au bal ? Alors, je suis sûre que Véronique ferait cela aussi bien que Mlle Christine. Viens donc voir, Véronique : est-ce que tu saurais faire une coiffure comme celle-ci, avec de vraies fleurs ? »

Véronique s’approcha, prit dans ses mains les piteuses fleurs artificielles, et les regarda un instant.

« Je vais essayer, mam’zelle Anne, répondit-elle timidement. Si je ne réussis pas, il n’y aura toujours rien de perdu. »

Elle sortit emportant la coiffure. Deux heures après elle revint, et tous, même Octavie, se récrièrent d’admiration. Les dimensions de la coiffure et la disposition des branches qui la composaient étaient les mêmes que dans la guirlande artificielle ; mais celle de Véronique était d’une légèreté et d’une grâce dont l’autre n’avait jamais approché.

Un diadème de bruyères rose vif, entourées de leur léger feuillage d’un vert brillant, s’élevait au-dessus du front ; une branche de lierre aux petites feuilles luisantes et sombres devait serpenter parmi les boucles des cheveux et retomber par derrière ; ses grappes de fruits noirs faisaient ressortir le coloris des bruyères ; quelques touffes d’herbes légères qui ondulaient au moindre souffle accrochaient la lumière et faisaient l’effet d’un nimbe.