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le violoneux de la sapinière.

quer comment elle y était entrée : la chambre était au premier étage, et c’était un saut un peu fort pour une rainette. La bonne crème, les bons fruits, les pâtisseries et l’excellente cuisine de Martuche dédommageaient un peu Octavie de ses mésaventures, car elle était gourmande ; cependant elle ne trouvait pas le séjour de la campagne fort agréable, et elle commençait à s’ennuyer, quand le bal que Sylvanie avait facilement obtenu de sa mère vint ouvrir une série de divertissements. Il était hors de doute que les familles invitées voudraient rendre les unes après les autres la politesse de Mme Arnaudeau, et il y aurait de quoi s’occuper rien qu’à combiner des toilettes.

On avait été un peu en peine pour l’orchestre ; mais Emmanuel avait écarté l’obstacle en offrant son ami Ambroise, qui avait, dit-il, pris des leçons de M. Bardio, un véritable artiste, et qui ne serait pas en peine de jouer toute la soirée, seul ou avec le piano. Il y eut des répétitions sans nombre ; Mlle Brandy, invitée, mit son talent à la disposition des danseurs, et fit apprendre à Ambroise le chant de tous les airs qu’elle jouait.

La petite Anne, son élève, dut se révéler dans une polka à quatre mains avec accompagnement de violon ; et Sylvanie et Mlle Farrochon daignèrent s’unir au petit violoneux pour contribuer à l’orchestre.

Octavie déclara même que cet enfant avait quelque chose d’original et de poétique. Elle faisait profession de poésie.

Le jour du bal se leva radieux. Mme Arnaudeau fut sur pied dès l’aurore ; elle avait d’ailleurs peu dormi, d’inquiétude que tout ne marchât pas bien, quoiqu’il ne fût pas de sa dignité de laisser voir ses craintes.

Emmanuel fut employé toute la matinée au métier de portefaix, qui lui convenait à merveille. Il plaça et déplaça des meubles, planta des clous, porta des caisses de fleurs, et, grâce à la précaution qu’on prit de ne pas lui confier d’objets fragiles, il s’en tira sans rien casser.

Sylvanie et son amie donnèrent partout le coup d’œil du critique, et s’occupèrent de préparer leur toilette. Sylvanie avait une robe de crêpe blanc, toute neuve, surchargée de ruches, de bouillonnés, de plissés, de nœuds, enfin de tout ce qu’on peut mettre sur une robe de bal.

Octavie mettait la fameuse robe de taffetas cerise, et une coiffure