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le violoneux de la sapinière.

« Je n’ai jamais vu de corbeilles comme celle-là ! s’écria-t-il quand elle eut fini. Est-ce Mme Amiaud qui t’a appris à les faire ?

— Pas tout à fait : elle m’a donné des dessins de corbeilles, et j’ai tâché de faire pareil ; et puis j’ai pris quelquefois le fond de l’une, les rebords de l’autre, l’anse d’une troisième ; j’ai aussi inventé des façons qui n’étaient pas dans les dessins. J’en ai tant fait que je pense que tout le monde en a dans le pays, et j’avais peur qu’on n’en voulût plus ; mais Mme Amiaud en a donné au voiturier qui les a emportées à la ville et qui les a vendues à une marchande plus cher qu’on ne me les paye ici : ainsi je peux continuer à en faire. Mais voilà le soleil qui est haut : mes ouailles ne trouvent plus d’ombre, il faut que je les rentre. À revoir, Ambroise.

— Je vais te conduire. Il y a longtemps que je ne t’ai tiré de l’eau : tu dois avoir de l’ouvrage à me donner.

— Si tu étais jardinier, je te dirais de me bêcher un carré ; le père Maurice m’a promis des salades à repiquer, et il me montrera à les faire blanchir ; je les vendrai aux dames de Mareuil. »

Ambroise la regarda avec admiration.

« Tu as une quantité de bonnes idées, toi ! tu ne seras jamais dans l’embarras. Je vais te bêcher ta terre : ça n’est pas si difficile que de jouer du violon, peut-être ?

— Non, mais c’est plus dur. Enfin, viens toujours ; je te montrerai mes fromages qui égouttent.

— Tu fais des fromages à présent ?

— Oui, des fromages à la mode d’Italie. J’avais deux brebis qui avaient du lait, et je ne savais qu’en faire. J’ai dit cela l’autre jour chez Mlle Anne, à qui j’allais porter une corbeille, et alors la demoiselle qui lui apprend tant de choses m’a dit que dans un pays où elle a été, et qui s’appelle l’Italie, on faisait de très-bons fromages avec du lait de brebis, et elle m’a expliqué comment on s’y prenait. J’ai essayé, et quand j’ai vu que c’était bon, je lui en ai porté un chez elle. Elle a été très-contente, et elle a voulu me le payer ; et comme je ne voulais pas, elle m’a promis de me faire vendre tous ceux que je ferais. Ceux-ci seront prêts demain : cela fera encore quelques sous pour la Saint-Michel. »

Tout en causant, les deux enfants étaient arrivés à la demeure de Véronique. Elle fit rentrer ses bêtes, et mena Ambroise voir ses fromages qui avaient fort bonne mine et qui égouttaient sur des claies qu’elle avait faites elle-même. Puis elle le conduisit au jardin, lui mit