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le violoneux de la sapinière.

elles poussent. C’est Mme Amiaud qui serait contente d’avoir ce panier-là dans sa chambre !

— Qui est-ce, Mme Amiaud ?

— C’est la maîtresse d’école, donc ! Elle aime beaucoup les fleurs, et j’attends mes pivoines à fleurir pour lui en porter un bouquet. On l’aime bien à l’école, parce qu’elle est très-bonne. Tiens, voilà un bel alphabet avec des images, qu’elle m’a donné aujourd’hui parce que j’avais bien dit mes lettres ; je n’avais que le vieux de mon grand frère, et vois comme il est sale et déchiré : Je vais le jeter sur le fumier.

— Oh ! donne-le-moi plutôt ! s’écria Véronique en étendant les mains pour soustraire le vieil alphabet au sort qui le menaçait.

— Qu’est-ce que tu en feras ? tu ne vas pas à l’école.

— Ça ne fait rien : je m’amuserai à le regarder en menant paître mes ouailles. Donne-le-moi, je te donnerai mon panier de fleurs pour ta maîtresse.

— Ah ! alors je veux bien. Changeons tout de suite. Je vais le porter à Mme Amiaud : attends-moi là, je te montrerai tout à l’heure les images de mon livre neuf. »

Quand Marie revint, Véronique était assise sur un talus, étudiant ses lettres dans le vieux livre ; elle se rangea pour faire une place à sa compagne.

« Mme Amiaud a été très-contente, dit celle-ci ; elle m’a demandé si c’était moi qui avais fait ce joli panier. Je lui ai dit que c’était Véronique ; elle a ri, et m’a répondu : Je ne connais pas Véronique, mais tu peux lui dire qu’elle a beaucoup de goût.

— Je ne sais pas ce que c’est, répondit Véronique, mais je suis bien aise que mon panier lui ait fait plaisir. Est-ce qu’il y a longtemps que tu vas à l’école ?

— Depuis le carnaval : je sais à présent toutes mes lettres sans faute. Tiens, je vais te les dire, dans l’alphabet neuf, et puis dans le vieux ; je les connaîtrais même dans un journal, ou dans un livre de messe. Tu vas voir ! »

Et la petite fille nomma l’une après l’autre toutes les lettres, en les montrant du doigt. Véronique se les disait tout bas, avant que l’autre enfant les eût prononcées, et elle avait le cœur tout gonflé de joie, car elle ne se trompait pas ; elle avait, en deux heures, appris ce que Marie était si fière de savoir au bout de six semaines d’étude. Quand elle fut bien sûre de son alphabet, elle interrompit la liseuse.