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le violoneux de la sapinière.

à Mareuil elle avait terminé une jolie corbeille verte où se pressaient des fleurs amies, habituées à se trouver ensemble : des violettes au doux parfum, des stellaires blanches se balançant au bout de leur fine tige, des véroniques semblables à des yeux bleus, des primevères jaune pâle, et même quelques orchis empourprés, hâtivement fleuris aux premiers rayons d’avril. C’était plus joli que bien des jardinières en porcelaine remplies de plantes cultivées en serre avec un poêle pour soleil.

Véronique alla droit à une maison blanche, d’où l’on entendait sortir une rumeur cadencée, quelque chose entre le chant et la parole. C’était l’école, et toutes les petites voix répétaient ensemble la leçon. Il faisait beau temps, et la fenêtre était ouverte. Véronique se glissa sous cette fenêtre, monta sur le banc de pierre, et put voir ce qui se passait dans la classe. Juste en face d’elle, un grand tableau était accroché au mur. La maîtresse tenait une longue baguette et s’en servait pour toucher un à un les caractères tracés en noir sur le tableau de carton blanc. Et les enfants répétaient, comme une psalmodie : À ! B ! C ! D ! jusqu’à la fin de l’alphabet. Certes, aucun des élèves, filles ou garçons, qui étaient rangés sur les bancs de l’école, ne suivait la leçon avec l’attention passionnée qu’y mettait la pauvre petite bergère qui l’écoutait par la fenêtre en se collant au mur pour voir sans être vue. Elle resta là tant que dura la classe ; et quand les enfants se levèrent pour partir avec un grand bruit de sabots et un grand brouhaha de voix, elle s’en alla elle aussi ; mais elle eut soin de se mettre sur leur chemin et de les regarder tous, pour voir si elle n’en reconnaissait pas quelqu’un qui pût l’aider dans ses projets. Une des petites filles l’aperçut et l’appela par son nom : c’était la fille d’un métayer aisé des environs, chez qui la Tessier allait travailler quelquefois.

« Hé ! Véronique ! cria-t-elle, viens donc par ici ! Comme c’est joli ce que tu as là ! est-ce que c’est toi qui l’as fait ?

— Mais oui, Marie, c’est moi. J’ai fait cela pour m’amuser en route, avec des joncs des prés bas, et j’y ai mis des fleurs que je cueillais sur mon chemin ; il y en a assez partout.

— Tiens ! c’est vrai, voilà des coucous[1] et des pentecôtes[2] ; je ne les reconnaissais pas, elles sont bien plus jolies en bouquet que là où

  1. Primevères.
  2. Orchis.