l’épouse d’Hector, qui parmi les Troyens excellait à combattre, lorsque autour d’Ilion on livrait ces grandes batailles ! » Telles seront ses paroles, et elles renouvelleront ta douleur, car tu n’auras plus d’époux pour t’arracher à la servitude. Ah ! puissé-je être enseveli sous la tombe, plutôt que d’entendre les cris que tu jetteras entre les mains de tes ravisseurs ! »
— La pauvre femme ! interrompit Emmanuel. Est-ce qu’elle a été faite prisonnière, Anne ?
— Le livre n’en parle pas. Mais je le demanderai à Mlle Léonide.
— Est-ce qu’elle le saura ! Des histoires de guerriers, ce n’est pas l’affaire des femmes !
— Mais la pauvre Andromaque, c’était une femme. Elle est bien malheureuse ; voilà ce que c’est que d’épouser un militaire.
— Vous n’avez pas bon cœur, Anne. Est-ce qu’il ne faut pas que les militaires aient des femmes pour les soigner, quand ils reviennent blessés ?
— Il y a des sœurs de charité.
— Ah ! oui, elles les soignent bien ; mais j’ai idée que leurs femmes les soigneraient encore mieux, parce qu’elles les aimeraient.
— Oui, mais quand les blessés meurent, les religieuses vont en soigner d’autres, leurs femmes ne pourraient pas, parce qu’elles auraient trop de chagrin.
— Il faut pourtant bien que les hommes se battent, pour défendre les femmes ! Et puis, lisez donc ce qu’Hector a fait après.
— M’y voilà ! dit Anne en reprenant son livre.
« À ces mots, l’illustre Hector étend les bras pour prendre son fils ; mais l’enfant se détourne et se cache en criant dans le sein de sa nourrice ; l’aspect du guerrier, de son casque d’airain, les ondulations de la flottante aigrette l’ont saisi d’une frayeur qui arrache un sourire à son père et à son auguste mère. »
— Pauvre petit ! interrompit Anne : il n’avait pas l’habitude de voir son père en uniforme. Et elle reprit :
« Aussitôt le héros enlève de sa tête le casque qu’il pose resplendissant sur la terre ; il donne un baiser à son enfant chéri, le berce dans ses bras, et adresse cette prière à Jupiter et aux autres immortels :
« Jupiter, et vous, divinités puissantes, accordez-moi que cet enfant soit comme moi l’honneur d’Ilion ; qu’il se signale par sa