Page:Collins - Le Secret.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour se trouver riche tout à coup, plus mauvais qu’il n’était déjà.

— Autant dire personne, grommela Shrowl.

— C’est aussi ce que je pense, répondit son maître.

— Mais vous ne pouvez pas n’avoir pas d’héritier, insista Shrowl. Il faudra que votre propriété passe à quelqu’un… Bon gré mal gré, il le faudra.

— Croyez-vous ? dit M. Treverton… Je pense au contraire que j’en peux disposer à mon plaisir. Je peux la convertir tout entière en bank-notes, et faire d’iceux, avant de mourir, un beau feu de joie dans notre appareil à brasser. Je sortirais alors de ce bas monde, bien convaincu que je n’y laisse pas derrière moi de quoi le rendre plus méchant qu’il n’est… pensée consolante, je vous assure. »

Avant que Shrowl eût pu riposter d’un seul mot, on entendit vibrer la sonnette placée à la porte du cottage.

« Allez ! dit impérieusement M. Treverton… Allez voir qui ce peut être ! Si c’est une visite femelle, il suffira de votre face d’épouvantail pour la mettre en fuite… Si c’est une visite mâle…

— Si c’est un homme, interrompit Shrowl, je lui donnerai mon poing sur le nez pour lui apprendre à me déranger quand je déjeune. »

Pendant l’absence de son domestique, M. Treverton garnit et alluma sa pipe. Le tabac n’avait pas tout à fait pris lorsque Shrowl rentra ; le visiteur, dit-il, était un homme…

« Lui avez-vous donné du poing par le nez ? demanda aussitôt M. Treverton.

— Non, répondit Shrowl ; j’ai ramassé la lettre qu’il me glissait par-dessous la porte, et il est parti sans demander son reste… Voici le poulet. »

La lettre était écrite sur papier ministre, et l’adresse tracée en grosse ronde, comme le sont les documents légaux. Au moment où M. Treverton rompit l’enveloppe, il en tomba deux bouts de papier imprimé, détachés de quelque journal. L’un tomba sur la table devant laquelle il était assis ; l’autre descendit en voletant sur le parquet. Shrowl ramassa celui-ci, et en examina le contenu sans se donner la peine d’en demander la permission.

Après avoir longuement aspiré une bouffée de tabac et l’avoir expirée tout aussi longuement, M. Treverton commença la lecture de l’épître. Dès que ses yeux eurent parcouru