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disiez que vous ne faisiez qu’un avec moi… Quel sens particulier donnez-vous à ces paroles ?…

— C’est que je suis entré, du même cœur que vous, dans votre projet de convaincre votre père qu’après ce dernier voyage, il n’en doit plus entreprendre d’autre, et dans votre espoir de l’amener à finir paisiblement ses jours à Porthgenna, parmi nous. Si l’argent dépensé à réparer le pavillon nord, qui nous donnerait à tous le logement nécessaire, doit assez modifier l’aspect du vieux manoir pour lui ôter, à ses yeux, ce qu’il comporte de pénibles ressouvenances ; si, moyennant ces changements, il peut trouver quelque agrément à cette résidence, au lieu d’y être assiégé par de tristes pensées, je regarderai la dépense comme faite très à propos, chère Rosamond. Mais, avant de mettre ce plan à exécution, vous croyez-vous sûre de réussir ? Avez-vous déjà pressenti votre père au sujet de Porthgenna ?

— Je lui ai dit, mon Lenny, que jamais je ne serais parfaitement heureuse s’il ne renonçait à la mer et ne venait se fixer auprès de nous, et il a répondu qu’il le voulait bien. Je n’ai point parlé, ni lui non plus, de résider à Porthgenna ; mais il sait fort bien que là doit être notre établissement, et il n’a mis aucune condition à la promesse de venir habiter où nous habiterons.

— La perte de votre mère est-elle le seul souvenir triste que cet endroit doive réveiller en lui ?

— Pas précisément. Il y en a un autre dont il n’a jamais été question, mais dont je puis bien vous parler, car je n’ai plus de secrets pour vous. Ma mère avait une femme de chambre favorite qui la servait depuis son mariage, et qui, par hasard, se trouva le seul témoin de sa mort. Je me rappelle avoir entendu parler de cette femme, de son extérieur bizarre, de ses façons extraordinaires, et de l’espèce d’antipathie qu’elle inspirait à chacun, sa maîtresse exceptée. Eh bien ! le jour même où mourut ma mère, dans la matinée, elle quitta la maison de la manière la plus imprévue et la plus inexplicable, laissant derrière elle un billet mystérieux à l’adresse de mon père. Il y était question d’un secret que ma mère lui aurait confié, à charge de le communiquer à son maître, dès que sa maîtresse ne serait plus. Elle ajoutait que ce secret lui coûtait trop à révéler et que, pour se soustraire à tout interrogatoire, elle quittait à jamais la maison. Lorsque la lettre fut ouverte, cette femme était déjà partie depuis quelques heures, et, à compter de ce