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pule, autant pour le compte de miss Sturch que dans l’intérêt de mes pauvres nerfs… Avez-vous, miss Sturch, du julep au camphre ? Pour l’amour de Dieu, ayez-en, et fournissez-moi l’occasion de vous conduire hors de portée des hurlements qui vont retentir ici. »

Tandis que miss Sturch, dont la sensibilité fort exercée eût tenu bon devant la correction paternelle la plus prolongée et le plus perçant reçu qu’en eussent pu donner les hurlements d’un fils, grimpait à l’étage supérieur, calme toujours et souriante, pour y aller quérir le julep au camphre, master Bob, qui se trouvait ainsi tout seul avec ses sœurs dans la salle d’études, se rapprocha vivement de la cadette, et, tirant de sa poche deux ou trois de ces bonbons acides qu’on appelle drops (ils n’en avaient pas meilleure mine pour avoir déjà quelque peu servi), le jeune drôle, qui connaissait le faible de miss Amélia, les lui offrit en échange d’une communication confidentielle au sujet des terribles sept fois huit.

« Vous les aimez, disait Bob.

— Je crois bien, répondait Amélia.

— Eh bien, sept fois huit ? demanda Bob.

— Cinquante-six, repartit Amélia.

— Pour sûr ? dit Bob.

— Sans le moindre doute, » dit Amélia.

Ici les drops passèrent d’une main dans l’autre, et la catastrophe du petit drame domestique se trouva heureusement modifiée. Justement comme miss Sturch, à la porte du jardin, apparaissait armée de son julep au camphre, et semblable à une Hébé médicale, devant Phippen ébloui, l’élève dont elle s’était plainte se montrait, lui aussi, à la fenêtre de la salle d’études, offrant à son papa la figure d’un fils revenu de ses erreurs arithmétiques. La canne, pour ce jour-là, demeura inactive ; et M. Phippen put boire son verre de julep au camphre, sans que le double souci des hurlements de Bob, et de leur effet sur la trop sensible miss Sturch, dérangeât l’équilibre de ses nerfs.

« Dénoûment heureux à tous égards, fit-il remarquer en se passant la langue sur les lèvres, après qu’il eut épuisé jusqu’à la dernière goutte du bienfaisant liquide ; mes nerfs sont épargnés, les sentiments de miss Sturch sont épargnés, et les épaules de l’enfant, elles aussi, sont épargnées. Vous ne pouvez pas vous imaginer, Chennery, combien je me sens soulagé par ces heureux résultats. Où en étions-nous de votre déli-