Page:Collins - Le Secret.djvu/392

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Frankland une lettre cachetée. Cette lettre, disait-il, avait été écrite, dans le café de l’hôtel, par le même individu qui s’était introduit sans permission chez M. et mistress Frankland. Après avoir chargé le garçon de la remettre sans délai, il était parti en toute hâte, brandissant son gros bâton avec une satisfaction évidente, et riant tout seul dans sa cravate.

Rosamond ouvrit la lettre.

Sur le premier feuillet, en travers, était un bon de quarante mille livres sterling à son ordre.

Sur le second feuillet, quelques lignes d’explication, que voici :

Prenez l’inclus. D’abord parce que vous et votre mari êtes les seuls, à ma connaissance, dont la richesse ne doive pas, très-probablement, faire des drôles. Secondement, parce que vous avez dit la vérité, quand, la disant, vous perdiez une fortune qu’il vous était aisé de conserver en gardant tout simplement le silence. Troisièmement, parce que vous n’êtes pas la fille et le gendre de la comédienne. Quatrièmement, parce que cette somme, bon gré, mal gré, deviendra vôtre, attendu que, si vous la refusez maintenant, je vous la laisserai à ma mort. Bien le bonjour. Ne venez pas me voir : ne m’écrivez pas de longs remercîments ; ne m’invitez pas à vous aller voir à la campagne ; ne vantez pas ma générosité ; et, par-dessus toute chose, n’ayez plus le moindre rapport avec Shrowl.

Andrew Treverton.

La première chose que fit Rosamond, quand elle et son mari furent un peu remis de leur première surprise, fut de désobéir à l’injonction de M. Treverton qui lui interdisait tout remercîment par écrit. Le messager chargé de porter son billet à Bayswater revint sans réponse. Il raconta qu’une grosse voix lui avait répondu de jeter la lettre par-dessus le mur du jardin et de s’en aller au plus vite, s’il ne voulait qu’on lui rompît les os.

M. Nixon, auquel Léonard fit part tout aussitôt de l’incident survenu, offrit d’aller le soir même à Bayswater, et de chercher à voir M. Treverton au nom de ses clients. Il trouva Timon de Londres plus accessible qu’il ne l’avait espéré. Le misanthrope, pour la première fois de sa vie, était d’assez bonne humeur. Ce changement extraordinaire s’était produit en lui à la suite du renvoi de Shrowl, qu’il venait de mettre à la porte, sous ce prétexte : qu’après avoir rendu à M. et à mistress Frankland leurs quarante mille livres sterling, son maître n’était plus digne de lui. « Je lui ai dit, racontait M. Treverton, que réjouissait le souvenir de la scène où son domestique et