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le moment où elle reverrait son vieil ami. Et elle le connaissait trop bien pour n’être pas certaine qu’une simple allusion au chagrin qu’elle venait d’éprouver, à la rude épreuve qu’elle venait de subir, suffirait pour attirer le docteur auprès d’elle, sitôt qu’il aurait pu terminer les arrangements d’intérieur, préliminaires indispensables du voyage auquel on le conviait.

Tout en écrivant cette lettre, l’enchaînement des souvenirs les fit songer à un autre de leurs amis, plus récemment compté comme tel, mais qui avait aussi quelques droits à leur confidence, à raison du rôle qu’il avait joué dans les événements qui avaient amené la découverte du Secret. Cet ami n’était autre que M. Orridge, le médecin de West-Winston, dont l’intervention fortuite avait amené près du lit de Rosamond cette mère qu’elle venait de retrouver et de perdre. Elle lui écrivit aussitôt, conformément à la promesse qu’elle lui avait faite, en quittant West-Winston, de lui communiquer le résultat de leurs recherches, dirigées alors vers la chambre aux Myrtes, pour l’informer que la découverte de cette chambre avait conduit à la révélation de certains événements assez pénibles, et qui, maintenant comptaient parmi ceux d’un passé irrévocable. Il n’était pas nécessaire d’en dire plus long à un ami placé, vis-à-vis d’eux, dans un ordre de rapports qui ne commandait pas une confiance absolue.

Rosamond venait de tracer l’adresse de cette seconde lettre, et, distraite, couvrait de hachures le papier de son buvard, quand un bruit de voix irritées, éclatant tout à coup dans le corridor, vint la réveiller en sursaut. Elle n’avait, pour ainsi dire, pas eu le temps de se demander ce qui pouvait faire l’objet d’une pareille dispute, lorsque la porte s’ouvrit, violemment poussée, et devant elle apparut un homme de haute taille, assez avancé en âge, pauvrement vêtu, d’une physionomie peu prévenante, bouleversée de plus par la colère, et porteur d’une barbe grise fort dépenaillée. Derrière lui, dans un état d’indignation mal contenue, se tenait le principal garçon de l’hôtel.

« Trois fois de suite, madame, j’ai dit à cet individu, commença ce zélé subalterne, que M. et mistress Frankland…

— N’étaient pas chez eux, interrompit le personnage mal vêtu, finissant la phrase du garçon d’hôtel… Oui, vous m’avez dit cela. Je vous ai répondu que la parole n’avait été donnée à l’homme que pour déguiser la vérité !… que, dès lors, je ne