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de ne pas séparer son chagrin des leurs, puisque désormais il existait pour eux trois des liens que la mort seule pouvait rompre, liens de sympathie mutuelle et de regrets partagés.

Il écouta silencieusement, et dans l’attitude de la soumission, les paroles de Rosamond. Mais, quand elle eut fini, il renouvela son humble requête. Pour le moment, il n’avait qu’une pensée : celle de retourner dans le Cornouailles avec tout ce qui restait de l’enfant de sa sœur. Léonard et Rosamond comprirent tous deux qu’il serait inutile de s’y opposer. Tous deux sentirent qu’il serait cruel de le garder auprès d’eux, et qu’il fallait le laisser partir. Ayant donc chargé secrètement le domestique de lui sauver tous les embarras, toutes les difficultés de la route, de se prêter avec complaisance à tous les désirs qu’il pourrait exprimer, de lui donner enfin toute espèce d’aide et de protection, sans le fatiguer d’assiduités importunes, ils laissèrent le vieillard obéir à l’unique impulsion qui le rattachait encore aux intérêts, aux événements de notre éphémère existence. « Bientôt, leur dit-il en prenant congé d’eux, bientôt je vous remercierai mieux de me laisser me soustraire à ce tapage de Londres, de me laisser partir en compagnie de tout ce qui me reste de ma nièce Sarah… Je sécherai mes pleurs de mon mieux, et tâcherai d’avoir plus de courage lorsque nous nous retrouverons. »

Le jour suivant, restés en tête-à-tête, Rosamond et son mari cherchèrent à se distraire des tristesses du présent, en songeant aux problèmes que l’avenir leur donnait à résoudre. Quelle influence allait avoir sur leurs plans d’avenir le changement survenu dans l’état de leur fortune ? Ce sujet traité à fond, ils en vinrent à parler de leurs amis, et de l’obligation où ils étaient maintenant de communiquer aux plus anciens, aux plus intimes, les événements qui avaient suivi la découverte faite dans la chambre aux Myrtes. Le premier nom qui s’offrit à leur pensée, quand ils abordèrent cette question, fut naturellement celui du docteur Chennery ; et Rosamond, qui redoutait pour sa tristesse une trop complète oisiveté, proposa d’écrire immédiatement au bon ministre, pour le mettre sommairement au courant de ce qui s’était passé depuis leurs derniers échanges de lettres, et aussi pour lui demander de ne pas différer au delà de cette année l’accomplissement d’une promesse remontant déjà loin, en vertu de laquelle il devait passer à Porthgenna-Tower, avec elle et son mari, ses vacances d’automne. Le cœur de Rosamond appelait de tous ses vœux