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« Ma mère… au nom de Dieu ! qu’avez-vous ?… Qu’est-il arrivé pour vous troubler ainsi ?

— Bien, bien… dites ainsi : « Ma mère ! » Si elle vient, elle ne restera pas, après vous avoir entendue m’appeler : « Ma mère ! » et quand elle verra que, en fin de compte, malgré qu’elle en ait, nous nous sommes retrouvées et nous nous aimons… Oh ! bonne, et tendre, et miséricordieuse enfant !… Si seulement vous pouviez me délivrer d’elle !… Combien d’années ne pourrais-je pas vivre encore !… Et que de bonheur à nous deux !…

— Ne parlez pas ainsi !… Ne me regardez pas ainsi !… Dites-moi tranquillement, chère et bien chère mère, tranquillement, sans vous troubler…

— Chut… chut !… je dois tout vous dire… Sur son lit de mort, elle m’a menacée, si je lui désobéissais… Elle disait que, de l’autre monde, elle reviendrait me hanter… Eh ! bien, Rosamond !… je lui ai désobéi… Elle a tenu sa promesse… oui, toujours, depuis ce moment, elle a tenu sa promesse… Voyez !… voyez là-bas !… »

Son bras gauche, tandis qu’elle répondait ainsi, était passé au cou de Rosamond. Elle tenait son bras droit étendu vers le coin de la chambre, et lentement, lentement, agitait sa main dans le vide.

« Voyez !… disait-elle… Voilà comme elle m’arrive toujours, alors que finit la journée… avec ce grossier vêtement noir que mes mains firent pour elle… avec ce même sourire qu’elle avait aux lèvres en me demandant si on la prendrait bien pour une domestique… Maîtresse ! maîtresse !… reposez, enfin !… Le Secret, maintenant, n’est plus à nous. Reposez !… Mon enfant m’est rendue… Reposez à jamais !… ne venez plus vous placer entre elle et moi !… »

Elle cessa de parler, rappelant avec effort dans sa poitrine le souffle qui lui manquait. Puis elle posa sa joue frémissante et fiévreuse contre la joue de sa fille… « Encore, encore !… Appelez-moi : « Ma mère ! » lui disait-elle tout bas… Prononcez ces mots à voix bien haute !… Ils la chasseront à jamais loin de moi !… »

Rosamond domina la terreur qui la faisait, en ce moment, trembler de la tête aux pieds, et articula les mots désirés.

Sa mère se pencha un peu en avant, toujours aspirant avec peine, et fouillant d’un regard avide l’ombre qui avait envahi paisiblement le fond de la chambre.