Page:Collins - Le Secret.djvu/382

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

où l’obscurité se faisait… Qui me dit que j’irai jamais ?… Et pourtant, Rosamond, je n’ai pas violé le serment fait à ma maîtresse… Vous pourriez, au besoin, rendre témoignage que je n’ai pas anéanti la lettre, et que je ne l’ai pas emportée avec moi, venant à quitter la maison… J’ai voulu, c’est vrai, la tirer de la Chambre aux Myrtes… mais je ne voulais l’ôter de là que pour la cacher ailleurs… Je n’ai jamais songé à l’enlever de la maison… Je n’ai jamais voulu manquer à mon serment…

— Il va faire nuit, ma mère… Permettez que je me lève pour allumer les flambeaux. »

La main de Sarah remonta doucement le long du cou de sa fille, et s’y attacha plus étroitement que jamais.

« Je n’ai jamais juré de lui remettre la lettre, disait-elle… À la cacher, il n’y avait aucun crime… Vous l’avez trouvée, Rosamond, derrière un portrait ?… Un portrait qu’on disait être celui du fantôme de Porthgenna… Personne n’en savait la date… ni comment il était arrivé dans le manoir… Ma maîtresse l’avait en horreur, parce que cette figure peinte avait avec la sienne une bizarre analogie… Elle me dit un jour, peu après mon arrivée à Porthgenna, de le descendre du mur et de le détruire… J’eus peur d’obéir… Et c’est pour cela que, bien avant votre naissance, je le cachai dans la Chambre aux Myrtes… Vous avez dû trouver la lettre derrière ce tableau, Rosamond ?… N’était-ce pas, cependant, une bonne cachette ?… Personne encore n’avait découvert le portrait… Comment penser que quelqu’un trouverait la lettre cachée derrière ?

— Permettez-moi d’allumer, chère mère… Je suis sûre qu’un peu de lumière vous ferait plaisir.

— Non… pas à présent !… Donnez aux ténèbres le temps de s’accumuler là-bas, dans ce coin de la chambre… Soulevez-moi tout contre vous, et laissez-moi vous parler tout bas. »

Le bras passé autour du cou de Rosamond se raidit encore tandis qu’elle aidait sa mère à se soulever sur le lit. Les clartés pâlies que la fenêtre laissait passer tombaient en plein sur le visage de la malade et se réfléchissaient dans ses yeux égarés. « J’attends quelque chose qui vient, précisément à cette heure, avant qu’on n’allume les flambeaux, murmurait-elle bien bas, et d’une voix étouffée par la peur… Là-bas !… »

Et elle montrait, dans le voisinage de la porte, le coin de la chambre le plus éloigné.