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prêmes, ne fussent envisagées, soit à cet égard, soit à tout autre, par cet excellent mari, comme autant d’ordres qu’il tiendrait à honneur de ne pas éluder. Mais pouvait-elle accepter les bontés, la protection du maître qu’elle avait d’abord, complice docile, aidé à tromper, et que plus tard, de son chef, elle trompait encore ? La seule idée d’une bassesse pareille la révoltait au point qu’elle trouvait une sorte de soulagement à la triste nécessité où elle se voyait de quitter immédiatement cette maison, qui eût dû être son asile naturel.

Et comment la quitter ? Fallait-il, officiellement, donner congé, s’exposant ainsi à des questions qui devaient nécessairement l’effrayer, la confondre ? Après ce qu’elle venait de faire, oserait-elle bien affronter la présence de son maître, alors qu’il ne pouvait manquer de l’interroger sur sa maîtresse, alors qu’il voudrait lui arracher, mot par mot, tous les détails de cette terrible scène, dont elle avait été l’unique témoin ? Quand l’idée nettement définie de ce redoutable examen se fut offerte à son imagination, elle se leva comme poussée par un ressort, décrocha son manteau pendu au mur, et se prit à écouter à sa porte, en proie à toute sorte de soupçons et de craintes. Ne venait-elle pas d’entendre des pas dans le corridor ? Son maître l’envoyait-il chercher de si bonne heure ?

Mais non : tout, au dehors, se taisait. Pendant qu’elle attachait son chapeau, quelques larmes coulèrent le long de ses joues. Cet acte, si simple en lui-même, la plaçait en face de la dernière et de la plus dure conséquence que dût avoir inévitablement pour elle la résolution qu’elle avait prise en cachant le secret qu’il lui était enjoint de divulguer. À ceci, nul remède. Il fallait, ou risquer de tout découvrir, ou subir la double épreuve et de quitter Porthgenna-Tower, et d’en sortir secrètement.

Secrètement, comme un larron furtif ? Secrètement, sans un mot à son maître ? sans une pauvre ligne de remercîments pour ses bontés, d’excuse pour une conduite si étrange ? Elle avait ouvert son pupitre, d’où elle avait retiré sa bourse, une ou deux lettres, un petit volume des Hymnes de Wesley, avant que ces considérations se fussent offertes à son esprit. Elles l’arrêtèrent au moment de refermer le pupitre : « Écrirai-je ? se demanda-t-elle, et laisserai-je ma lettre ici afin qu’on l’y trouve après mon départ ? » Quelques réflexions la décidèrent à prendre ce parti. En aussi peu de temps que sa plume, tou-