Page:Collins - Le Secret.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

basse et regardant vers la porte, votre amie d’autrefois, Sarah, reste votre amie… Ne quittez pas cette maison ; prenez garde à ne rien trahir ; agissez d’après mes ordres, et fiez-vous à moi pour le reste… » Puis elle tourne sur ses talons et se met à marcher par la chambre, de plus en plus vite, jusqu’à s’essouffler. Puis elle donne un coup de sonnette, et appelle ses gens à voix haute : « Les chevaux… Je veux sortir !… » Puis elle se tourne du côté de Sarah : « Mon amazone ! Allons donc, poule mouillée, un peu de courage !… Sur ma vie et mon honneur, je vous tirerai de là… Mon amazone, vous dis-je !… J’ai soif d’un bon galop en plein air !… » Et elle part, la fièvre dans les veines, et elle galope, elle galope, jusqu’à mettre le cheval en nage, et si bien que le groom qui court après elle, se demande si, décidément, elle a perdu la tête. Au retour, nonobstant cette course effrénée, elle n’est point lasse. Toute la soirée, elle la passe à marcher par la chambre, et à jouer sur le piano, pêle-mêle, les airs les plus brillants. Au lit, elle ne peut reposer. Deux ou trois fois, dans la nuit, elle effraye Sarah, dont elle vient savoir des nouvelles, et à qui elle répète sans cesse les mêmes paroles : « Gardez votre secret ; agissez d’après mes ordres ; fiez-vous à moi pour le reste !… » Le lendemain matin elle reste au lit, dort tard, se lève très-pâle, très-calme, et dit à Sarah : « De vous à moi, pas un mot d’allusion à ce qui est arrivé hier ; pas un mot jusqu’au jour où vous aurez à redouter le regard arrêté sur vous. Alors j’aurai à vous parler encore ; jusque-là, soyons ce que nous étions avant que je ne vous eusse questionnée, avant que vous ne m’eussiez révélé la vérité !… »

Le vieillard, ici, rompant le fil du récit, expliqua que, sur un point de date, sa mémoire le laissait un peu embarrassé : date dont la correction importait à l’exposé, qui allait suivre, d’une nouvelle série de faits nécessaires à relater.

« Ah ! ma foi ! dit-il, secouant la tête après qu’il eut vainement poursuivi le souvenir qui lui échappait, pour le coup me voilà pris en flagrant délit d’oubli… Je ne sais si ce fut ou deux mois, ou trois mois après que la dame eut ainsi parlé à Sarah… mais enfin, au bout de ce temps, quel qu’il ait été, un beau jour elle demanda sa voiture, et s’en alla seule à Truro. Le soir, elle revint avec deux grands paniers plats. Sur l’un est une carte, et sur cette carte les deux lettres S. L. : sur l’autre est une carte, et sur cette carte les deux lettres R. T. Les paniers sont montés dans la chambre