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sur son visage, autre chose que l’expression de la souffrance, de la terreur, des regrets : quelque chose que les yeux discernent, que la parole ne saurait rendre. Elle regarde et réfléchit, regarde encore et réfléchit de nouveau, jusqu’à ce qu’un soupçon lui vienne qui la fait trembler, qui la pousse à courir dans la chambre de Sarah, et à plonger du regard tout au fond de ce cœur tremblant. « Il y a autre chose en vous que le souvenir du mort, lui dit-elle… » Et avant que Sarah ait pu se détourner, elle l’a saisie par les deux bras, elle la tient face à face, elle la couve d’un regard curieux et sévère… « Le mineur, continue-t-elle… Je me méfie du mineur… Sarah ! vous avez toujours eu en moi une amie plutôt qu’une maîtresse… C’est à titre d’amie que je vous demande, à présent, de me dire toute la vérité… » La question reste suspendue, aucune réponse n’arrive. Sarah se débat seulement pour s’échapper ; mais sa maîtresse la tient plus étroitement que jamais, et continue, disant : « Je sais qu’il y a eu promesse de mariage entre vous et Polwheal… Je sais que, si jamais on a pu compter sur la bonne foi de quelqu’un, c’est bien sur la sienne… Je sais qu’en partant d’ici, le soir, il a dû aller demander à l’église que vos bans fussent publiés… Gardez votre secret, Sarah, pour tout le reste du monde !… Ne le gardez pas pour moi ! Dites-moi, dites-moi sur l’heure, ici même, toute la vérité !… Parmi toutes les créatures que ce monde a vues se perdre, faut-il donc aussi ?… » Avant que la phrase ne soit achevée, Sarah tombe à genoux, et demande en pleurant qu’on la laisse s’aller cacher et mourir. Elle veut fuir… On n’entendra jamais parler d’elle… Elle n’a pas d’autre réponse à faire… C’était bien assez pour révéler, alors, toute la vérité… Et c’est bien assez, encore aujourd’hui. »

Un soupir chargé d’amertume sortit ici de la poitrine du vieillard, et il cessa un moment de parler. Aucune voix ne troubla le silence recueilli qui suivit ses dernières paroles ; le seul bruit appréciable, dans ce silence presque absolu, était le souffle léger de l’enfant, qui sommeillait dans les bras de sa mère.

« Ce fut, reprit le vieillard, l’unique réponse, et, pendant un certain laps de temps, celle qui l’avait reçue ne dit pas un seul mot… Mais elle regarde Sarah de plus en plus fixement, et plus elle la regarde ainsi, plus elle devient pâle, jusqu’au moment où, se dressant tout soudain, le rouge remonte à ses joues, prompt comme l’éclair. « Non, dit-elle à voix bien