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« En voici la preuve, dit-il, montrant la déclaration. Voyez !… le nom s’y trouve, à l’endroit laissé en blanc… Et il est tracé de sa main. »

Rosamond regarda le papier : la signature s’y trouvait en effet : « S. Jazeph, » et au-dessous, d’une main évidemment affaiblie, on avait écrit, par manière de parenthèse, cette explication : « Autrefois, Sarah Leeson. »

« Pourquoi donc ne parlez-vous pas ? s’écria Rosamond, dont les craintes augmentaient de minute en minute. Pourquoi ne pas nous dire comment elle a supporté cette épreuve ?

— Ah ! ne me le demandez pas !… Ne me le demandez pas ! reprit-il, se reculant pour éviter le contact de la main qu’elle étendait vers lui par un mouvement passionné. Je n’ai rien oublié… Les paroles que vous m’avez suggérées, je les ai dites… Ma langue, pour arriver à la vérité, faisait le grand tour ; mais ma physionomie a pris le plus court, et elle est arrivée la première… Par bonté pour moi, je vous le demande en grâce, ne m’interrogez pas là-dessus… Contentez-vous, s’il vous plaît, de savoir qu’elle est mieux… plus tranquille maintenant… et moins malheureuse. Le mal est passé, il ne reviendra plus… Le bien, au contraire, est tout entier à venir… Si je vous dis ce que j’ai vu… si je vous répète ses paroles… si je vous raconte tout ce qui est arrivé quand la vérité lui a été connue, l’effroi va me reprendre au cœur, et toutes les larmes, tous les sanglots que j’ai retenus, essayeront encore de se faire jour, et m’étoufferont… Il me faut toute ma tête… Il faut que mes yeux restent secs… Sans cela, comment parviendrais-je à vous raconter tout ce que j’ai promis à Sarah, sur mon âme et sur la sienne, de vous faire savoir ce soir même, avant de m’endormir ?… » Il s’arrêta, tira de sa poche un petit mouchoir de cotonnade où, sur un fond bleu foncé, un dessin blanc étalait ses complications éblouissantes, et sécha les larmes qui, tandis qu’il parlait ainsi, lui étaient montées dans les yeux. « Ma vie jusqu’à présent avait été si heureuse, reprit-il, regardant Rosamond, mais avec l’accent d’un reproche qu’il s’adressait à lui-même ; si heureuse, que mon courage, quand viennent les heures de trouble, ne m’est pas facile à retrouver… Et pourtant je suis Allemand… Tous mes compatriotes sont philosophes… D’où vient donc que, seul, j’ai la tête faible… et le cœur aussi… comme ce joli petit marmot qui dort là sur vos genoux ?

— Restons-en là !… Ne nous dites rien de plus avant d’avoir