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pu lui donner aucun éclaircissement plus direct et plus décisif. Après quelques demandes insignifiantes et après avoir causé de choses et d’autres, le docteur l’avait pris à part, secrètement. Il l’avait informé que les symptômes du mal dont sa nièce se plaignait, souffrance dans la région du cœur, difficulté de respiration, étaient d’une nature plus sérieuse que ne pouvaient le conjecturer, de premier mouvement, les personnes étrangères à la médecine. Il l’avait donc prié de ne plus transmettre à la malade aucun message quelconque, à moins que, par avance, il ne fût tout à fait certain que ces communications devaient avoir pour effet de le débarrasser, tout à coup et pour toujours, des anxiétés secrètes qui, maintenant, la minaient ; anxiétés qui aggravaient jour par jour son état, il devait en être bien certain, et qui rendaient inutiles, ou à peu près tels, tous les secours de l’art.

Alors, après avoir prolongé sa séance auprès de sa nièce et avoir tenu conseil avec lui-même, l’oncle Joseph s’était décidé à écrire, le soir même, sans en rien dire, une lettre à mistress Frankland, dès qu’il serait rentré chez son ami. Cette lettre lui avait pris plus de temps à composer que ne devaient le croire des gens habitués à pareille besogne. Enfin, après bien des ajournements causés par la nécessité de mettre au net force brouillons, et force retards provenant de ce qu’il quittait fréquemment sa tâche pour aller soigner sa nièce, il avait complété un récit suffisamment intelligible de tout ce qui était advenu depuis son arrivée à Londres. En conférant les dates, il fut avéré que cette lettre avait dû se croiser sur les chemins avec M. et mistress Frankland. Elle ne contenait, au reste, rien de plus que ce qu’il venait de leur raconter de vive voix : sauf que, pour montrer à quel point son éloignement rassurait peu la pauvre malade, l’oncle Joseph reproduisait de point en point les explications qu’il avait reçues d’elle, touchant le faux nom qu’elle avait pris et touchant sa résidence chez des personnes tout à fait étrangères, alors qu’elle avait à Londres des amis qui l’eussent bien accueillie sous leur toit. Peut-être jugeraient-ils qu’il avait très-inutilement allongé la lettre en renouvelant ces explications, qu’il avait déjà données en leur parlant des motifs qui avaient déterminé Sarah, lors de sa rentrée à Truro, à se séparer de lui.

Ces derniers mots mirent fin au triste et simple récit du bon vieillard. Après un moment de répit, qui lui permit de retrouver un peu d’empire sur elle-même et de raffermir sa