Page:Collins - Le Secret.djvu/336

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait de délicat et d’urgent, et lorsqu’on eut placé sous ses yeux la lettre trouvée dans la chambre aux Myrtes, M. Nixon, pour la première fois de sa vie, de cette vie passée au milieu de toute sorte d’affaires, de toute sorte de clients, M. Nixon, disons-nous (et sans rien dire de trop) demeura comme paralysé de surprise. Pendant quelques minutes, privé de ses facultés les mieux exercées, il se trouva hors d’état d’articuler un seul mot.

Cependant, lorsque M. Frankland, après avoir complété l’exposé des découvertes faites, se déclara décidé à abandonner les sommes payées en échange de Porthgenna-Tower, si l’authenticité de la lettre venait à lui être complètement démontrée, le vieil homme de loi retrouva tout aussitôt l’usage de sa langue, et ce fut pour protester contre les intentions annoncées par son client, avec la chaleur sincère d’un homme qui comprend les avantages de la richesse, et se rend compte de ce que c’est que perdre ou gagner une fortune de quarante mille livres sterling. Léonard prêta une oreille patiente aux arguments légaux de M. Nixon, tendant à le détourner de regarder la lettre, en elle-même, comme un document valide, et d’accepter le témoignage de mistress Jazeph comme pouvant, d’accord avec cette lettre, établir régulièrement la généalogie de mistress Frankland. L’avoué s’étendit longuement sur le peu de probabilité qu’une fraude comme celle dont on accusait mistress Treverton eût pu être commise sans autre complicité que celle d’une femme de chambre. Il déclarait dès lors, au nom de tout ce qu’on sait de la nature humaine, que des autres personnes mises dans le Secret, il s’en serait nécessairement trouvé au moins une, si ce n’est plusieurs, qui, par mauvais vouloir ou imprudence, l’auraient infailliblement révélé. Ceci étant, vingt-deux longues années ne se seraient pas écoulées avant que la vérité ne parvînt à quelqu’une des nombreuses personnes qui, soit à Londres, soit dans les comtés anglais de l’Ouest, connaissaient, ou personnellement, ou de réputation, la famille Treverton… De cette objection passant à une autre, il admettait comme strictement possible l’authenticité de la lettre, qui constituerait, dès lors, ce qu’on appelle « un commencement de preuve » mais alors se présentait cette hypothèse, cette probabilité, que mistress Treverton avait fort bien pu l’écrire, ou la dicter, sous le coup d’une illusion mentale, dans une sorte de délire, pendant lequel sa suivante, n’osant la contrarier ouvertement, aurait écrit tout ce