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Léonard, cependant, hésitait à les admettre, parce qu’elles impliquaient la nécessité d’un voyage à Londres. S’il s’y rendait seul, son infirmité le mettait à la merci de ses domestiques et de personnes étrangères, et cela lorsqu’il avait à conduire des investigations de la nature la plus délicate et la plus secrète. Si Rosamond devait l’accompagner, il en résulterait toute espèce de délais et d’inconvénients inévitables puisqu’ils emmèneraient leur enfant, et qu’il faudrait subir pendant un long et fatigant voyage de plus de deux cent cinquante milles.

Rosamond levait l’une et l’autre de ces difficultés avec sa décision, sa promptitude ordinaires. Elle commençait par écarter, comme tout à fait inadmissible, la pensée que son mari pût aller n’importe où, et pour quelque objet que ce fût, dans l’état de dépendance où il se trouvait, sans être accompagné d’elle. Et pour ne pas exposer l’enfant aux chances, aux fatigues d’une longue route, elle proposait d’aller à Exeter, dans leur voiture, restant ainsi maîtres de l’heure du départ comme de la durée du voyage ; là, ils trouveraient aisément, en prenant un wagon pour eux seuls, le moyen de s’assurer et toute la place et tout le bien-être nécessaires pour le demeurant de la traversée. Après avoir ainsi aplani les obstacles qui semblaient s’opposer au départ, elle en revenait à la nécessité absolue de s’y décider. Elle rappelait à Léonard le sérieux intérêt qu’ils avaient tous deux à obtenir le témoignage de mistress Jazeph sur l’authenticité de la lettre trouvée dans la chambre aux Myrtes, et à éclaircir dans ses moindres détails la fraude à l’aide de laquelle mistress Treverton paraissait avoir trompé son mari. Elle faisait valoir ensuite le désir très-vif qu’elle ressentait de compenser, autant qu’il serait en son pouvoir, le chagrin qu’à son insu elle avait infligé, lors de leur première rencontre dans l’auberge de West-Winston, à la personne du monde dont elle devait le mieux respecter et les erreurs et les peines. Et après avoir ainsi énuméré tous les motifs qui devaient les porter, elle et son époux, à se mettre personnellement en rapport avec mistress Jazeph dans le plus bref délai possible, elle concluait de plus belle que, dans la situation où ils étaient maintenant placés, il n’y avait qu’un seul parti à prendre : c’était d’aller à Londres immédiatement.

Après y avoir encore réfléchi, Léonard parut se convaincre que, dans des circonstances aussi urgentes, il fallait renoncer aux demi-mesures. Son opinion, au fond, était celle de sa