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Il défit le paquet de lettres, les ouvrit, les baisa l’une après l’autre, et les rangea sur la table devant lui, les lissant du plat de la main, et prenant soin de les mettre en ligne bien droite. Un simple coup d’œil jeté sur celle qui ouvrait la petite série convainquit Rosamond que l’écriture de cette première épître était exactement la même que celle du corps de la lettre trouvée dans la chambre aux Myrtes.

« Il n’y a pas long à lire, dit l’oncle Joseph : mais si vous voulez bien tout d’abord les parcourir, madame, je pourrai vous dire ensuite les raisons que j’ai de vous les montrer. ».

Le vieillard disait vrai. Il n’y avait pas « long à lire » dans les lettres en question, et, à mesure que les dates étaient plus récentes, les lettres étaient plus courtes. Toutes les quatre étaient écrites dans ce style convenu et correct des personnes qui, en prenant la plume, ont peur de pécher contre l’orthographe ou contre la syntaxe ; toutes les quatre étaient également dénuées de renseignements particuliers sur la situation de celle qui les avait tracées ; toutes les quatre renfermaient deux questions, toujours les mêmes, relatives à Rosamond. En premier lieu, mistress Frankland était-elle arrivée à Porthgenna-Tower ? Et ensuite, si elle y était arrivée, qu’en avait entendu dire l’oncle Joseph ? Enfin toutes les quatre donnaient les mêmes instructions quant à l’adresse ou il fallait acheminer les réponses : « Je vous prie de m’écrire à S. J., bureau de la poste, Smith-Street, Londres. » Puis venait, invariablement, l’apologie suivante : « Veuillez m’excuser de ne pas vous donner mon adresse, à cause des accidents possibles. Même à Londres, je dois craindre d’être suivie et découverte. J’envoie, chaque matin, chercher mes lettres, et suis, par conséquent, bien certaine d’avoir sans retard votre réponse. »

« Je vous disais, madame, reprit le vieillard, quand Rosamond, cessant de lire, eut relevé la tête, je vous disais que j’étais bien effrayé, bien triste, quand Sarah m’eut ainsi quitté. Maintenant vous allez comprendre pourquoi, devant ces quatre lettres qu’elle m’a écrites, je suis encore plus triste, encore plus effrayé… Elles commencent par celle-ci, que vous voyez à main gauche. Et, à mesure que nous avançons vers ma droite, elles raccourcissent, raccourcissent, si bien que la dernière n’a pas plus de huit petites lignes… Voyez encore, s’il vous plaît !… L’écriture de la première lettre, à main gauche, est une très-belle écriture… au moins très-belle pour