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Joseph, mon frère Max, ma sœur Agathe, et le mari qu’elle avait pris, ce brave et bon Anglais. Leeson, ils sont partis… tous partis !

— Leeson ? dit Rosamond, serrant la main de son mari, par-dessous la table, d’une manière significative… Le nom de votre nièce serait-il donc Sarah Leeson ? »

L’oncle Joseph branla la tête et poussa un gros soupir.

« Un jour, dit-il, qui fut pour Sarah le jour le plus funeste de sa vie, elle a changé ce nom contre un autre. De l’homme qu’elle épousa, et qui maintenant est mort, madame, tout ce que je sais n’est pas grand’chose, et revient à ceci : son nom était Jazeph, et il la maltraitait, ce pourquoi je me permets de le considérer comme un franc misérable… Oui, s’écria l’oncle Joseph avec le sentiment le plus voisin de la colère et de la rancune dont pût s’accommoder sa douce nature, et aussi avec l’idée qu’il allait employer un des plus énergiques superlatifs du vocabulaire… Oui, s’il revenait à la vie en ce moment, je lui dirais en face, comme je vous le dis : « Anglais Jazeph, vous êtes un franc misérable. »

Rosamond, pour la seconde fois, serra la main de son mari. Si déjà, dans leur conviction à tous deux, mistress Jazeph et Sarah Leeson n’avaient pas été complètement identifiées, les derniers mots prononcés par le vieillard auraient amplement suffi pour les assurer que les deux noms avaient été portés par une seule et même personne.

« Je vais donc rétrograder, reprit l’oncle Joseph, à l’époque où je suis venu ici avec ma nièce Sarah. Et, en cette affaire, avec votre permission, il me faut dire la vérité. Sans cela, revenu à mon point de départ, j’y resterais jusqu’à la fin de mes jours sans faire un pas en avant. Monsieur, et vous, bonne dame, vous voudrez sans doute bien me pardonner, ainsi qu’à ma nièce, si je vous avoue que nous ne sommes point venus ici dans l’intention de visiter le manoir. Non, ce n’est point dans cette vue que nous carillonnâmes à la porte, que nous mîmes tant de gens en l’air, et fîmes perdre haleine au gros majordome, si zélé à nous semondre. Ce fut seulement pour faire une petite opération assez curieuse que nous arrivâmes ensemble dans ce logis… C’est-à-dire, entendons-nous, c’était à cause d’un secret de Sarah, lequel est encore, pour moi, tout aussi noir que la plus noire nuit dont on ait ouï parler en ce bas monde. Et comme je ne savais rien de ce secret, sinon qu’il n’en pouvait résulter rien de mal pour qui que ce pût être ; et comme