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visite. Je vous préviendrai, de plus, afin d’éviter tout embarras de part et d’autre, que j’ai le malheur d’être aveugle… Pour ce qui est de vous écouter, je le ferai, soyez-en certain, avec la plus scrupuleuse attention… Rosamond, M. Buschmann a-t-il un siége ? »

M. Buschmann était encore debout, fort près de la porte, et il exprimait sa sympathie, d’abord en saluant de plus belle mistress Frankland, puis en pétrissant une fois de plus, sur son cœur, son feutre plastique.

« Rapprochez-vous, je vous prie, et veuillez vous asseoir, dit Rosamond. Ne vous imaginez pas, d’ailleurs, que l’opinion telle quelle de notre intendant puisse avoir sur nous la moindre influence, ou que nous pensions avoir quelque droit à vos excuses pour rien de ce qui a pu se passer ici lors de votre première visite… Nous avons intérêt, un très-grand intérêt, ajouta-t-elle avec cette franchise cordiale qui lui était ordinaire, à écouter ce que vous pouvez avoir à nous dire. Vous êtes, entre toutes, la personne du monde que, justement… » Elle s’arrêta court, à ces mots, car le pied de son mari venait de frôler le sien, et elle interpréta ce geste, à bon droit, comme un avis de ne pas s’expliquer si franchement avec le visiteur, avant qu’il eût fait connaître l’objet de sa venue.

Fort satisfait, en apparence, et aussi quelque peu surpris quand il eut entendu les dernières paroles de Rosamond, l’oncle Joseph avança une chaise près de la table à côté de laquelle étaient assis M. et mistress Frankland, et pétrissant son chapeau, qu’il réduisit à son minimum de volume, il le glissa dans une de ses poches latérales ; puis, de l’autre, il tira un petit paquet de lettres, les plaça sur ses genoux dès qu’il se fut assis, les lissa doucement des deux mains, et entrant aussitôt en matière :

« Madame, et vous, bon monsieur, commença-t-il, avant que je puisse tout à mon aise vous débiter mon petit message, il faut, avec votre congé, que je remonte à l’époque où je suis venu dans ce manoir en compagnie de ma nièce.

— Votre nièce ?… s’écrièrent ensemble Léonard et Rosamond.

— Ma nièce Sarah, dit l’oncle Joseph… la fille unique de ma sœur Agathe. C’est pour l’amour de Sarah, si vous voulez bien le permettre, que je suis ici présentement. Je n’ai plus qu’elle dans le monde qui soit de ma chair et de mon sang. Pour les autres, ils sont tous partis : ma femme, mon petit