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lement par où je dois commencer ; et, pour mieux regarder à votre profit, je me demande ce qui a chance de vous intéresser le plus. Voici une vieille ottomane adossée au mur… à ce même mur dans lequel s’ouvre la fenêtre. Je vais ôter mon tablier, et battre pour vous un de ces siéges poudreux… Une fois assis, et bien à votre aise, vous m’écouterez, pour commencer, vous décrire l’aspect général de la pièce. Et, d’abord, je suppose qu’il faut vous donner une idée de ses dimensions.

— Oui… c’est le vrai début… Voyez si vous ne pouvez la comparer à aucune des pièces auxquelles mes yeux s’étaient rendus familiers… quand j’avais des yeux. »

Rosamond parcourut la chambre du regard, dans tous les sens, d’une muraille à l’autre ; puis elle alla vers la cheminée, et, partie de là, traversa toute la pièce en comptant ses pas. Tandis qu’elle effleurait ainsi ce parquet poudreux avec une élégante précision, et prenait un plaisir d’enfant à contempler les bouffettes roses de ses pantoufles du matin ; tandis qu’elle relevait assez haut, crainte de souillure, la mousseline brillante et bruissante de sa robe, laissant ainsi apparaître, avec les broderies capricieuses de son jupon, les bas lustrés, satinés, qui habillaient comme d’une seconde peau ses petits pieds et leurs fines attaches, elle faisait avec tout ce qui l’entourait, avec cet intérieur décrépit, maussade, enfumé, désolé, abandonné, le plus charmant contraste que puissent offrir la jeunesse et la beauté en pleine fleur.

Arrivée au fond de la pièce, elle réfléchit un instant, puis dit, s’adressant à son mari :

« Vous rappelez-vous, Lenny, le salon bleu de Long-Beckley, celui de chez votre père ? Je crois que cette chambre-ci est aussi grande, sinon plus.

— Et les murs ? demanda Léonard posant les mains, en même temps qu’il parlait, sur la muraille placée derrière lui. Ils sont tendus en papier, n’est-ce pas ?

— Oui, en papier d’un rouge passé, sauf d’un côté, où le papier a été arraché par bandes et jeté à terre… Il y a un lambris qui fait le tour des murailles. Il est fendu en maint endroit, et percé de trous dont l’orifice est comme déchiré ; ils semblent avoir été ouverts par des rats et des souris.

— Y a-t-il des tableaux sur ces murs ?

— Non. Je ne vois qu’un cadre vide au-dessus de la cheminée. Et en face, c’est-à-dire justement au-dessus de ma