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versait les petits plateaux de sa toilette, et tantôt à droite, tantôt à gauche du pot à l’eau, les disposait dans un ordre différent. Dans toutes ces actions sans importance, la grâce de mouvements, la délicatesse d’allures naturelles à la femme se retrouvaient encore, comme si tout ce qu’elle faisait n’eût pas été complètement inutile et sans objet. Elle ne heurtait rien, ne posait rien de travers ; sa marche précipitée ne laissait derrière elle aucun bruit de pas ; les bords de sa robe étaient maintenus en place avec tout autant de chaste réserve que s’il eût été grand jour et que cette scène eût eu tous les voisins pour spectateurs.

De temps en temps, le sens des paroles qu’elle se murmurait à elle-même variait tout à coup. Elles exprimaient alors un peu plus de hardiesse et de confiant espoir. À un moment donné, ces encouragements spontanés la conduisirent, comme de force, devant la table de toilette sur laquelle la lettre était restée ouverte. Elle lut tout haut l’adresse : À mon mari, saisit le papier par un brusque mouvement, et, d’un ton raffermi : « Pourquoi donc la lui donnerais-je ? Pourquoi le secret ne mourrait-il pas entre elle et moi, comme nous en étions convenues ? Pourquoi le lui révéler, à lui ? Non : il ne le saura pas. » À ces derniers mots, elle approcha la lettre à un pouce de la bougie enflammée. Au même instant, le rideau blanc de la fenêtre en face d’elle, soulevé par la brise qui se frayait un passage à travers les montures disjointes des antiques battants, s’agita légèrement. Sarah l’aperçut alors qu’il semblait s’avancer vers elle et reculer ensuite. Aussitôt, elle ramena vivement la lettre, des deux mains, contre sa poitrine, et, reculant jusqu’à ce qu’elle se trouvât adossée au mur opposé, jeta devant elle ce même regard terrifié qu’elle avait au moment où mistress Treverton la menaçait d’une réapparition vengeresse.

« Quelque chose a bougé ici, » disait-elle, osant à peine entr’ouvrir les lèvres… « Quelque chose a bougé ici, qui n’est pas moi. »

Une seconde fois, le rideau se gonfla et se rabattit sur lui-même. Sarah, se glissant le long du mur, les yeux toujours fixés sur cette espèce de fantôme, se dirigeait de côté vers la porte.

« Est-ce déjà vous ?… murmurait-elle, tandis que sa main tâtonnait autour de la serrure, cherchant la clef… Vous, avant que la fosse soit creusée ? avant que le cercueil soit fait ? avant que le corps soit refroidi ?… »